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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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le quart avant sept heures. On amenait de nouvelles fournées de suspects.

XVII
    Sitôt la circulation rétablie, Lise, sa belle-sœur et Claudine prirent la poste pour Limoges. Claude ne les suivit point, il comptait les rejoindre plus tard et ne voulut pas retarder le départ de sa femme qui avait manifestement besoin de ce changement. De plus, elle pourrait là-bas aider à le faire élire, encore que, d’après les lettres de Limoges, son élection fût certaine.
    Ce qui le retenait à Paris, c’était sa conscience. Abolie par la besogne écrasante des interrogatoires, elle s’était ranimée dès qu’il avait eu pris un peu de repos et constaté le résultat de cette besogne : des milliers de personnes, dont le sort ne pourrait être réglé avant plusieurs mois par le tribunal extraordinaire, s’entassaient dans les prisons. On avait dû en mettre jusqu’à Bicêtre, à la Salpêtrière, transformer les ci-devant monastères de Saint-Firmin, des Bernardins, des Carmes, en dépôts pour les prêtres insermentés. Certes, un total d’environ trois mille fusils découverts au cours des perquisitions montrait assez que les coupables ne manquaient point parmi les suspects. Cependant, pouvait-il croire, lui, Claude, qu’avec son seul instinct il ait, dans la presse de cet infernal défilé, reconnu chaque fois la scélératesse et l’innocence ? Et Panis, Tallien, Lepeintre, Sergent, Hébert n’étaient pas habitués à instruire, eux !… Il fallait revenir là-dessus. Devait-on, en distribuant la justice du peuple, faire régner une injustice pire que celle des tyrans ! C’est ce qu’il avait dit, dès le 3o, au Conseil général, lui-même un peu effrayé par le nombre des arrestations. Louvet, Laclos s’indignaient d’un pareil arbitraire. « Vous ressuscitez les lettres de cachet ! Reconstruisez donc la Bastille ! » En revanche, Marat jubilait. Il voulait voir maintenant le tribunal fonctionner avec une célérité égale à celle du Comité de surveillance. Mais beaucoup de sections protestaient. Elles envoyaient des listes de citoyens arrêtés sans motif, disaient-elles, dont elles se portaient garantes et qu’elles réclamaient vigoureusement. Appuyé par Robespierre, Dubon, Pétion, Manuel, Claude avait obtenu un arrêté prescrivant qu’un nouveau tri serait opéré sous sa surveillance et celle de Billaud-Varenne, successeur de Danton au poste de substitut du procureur-syndic. Tandis que Lise roulait vers Limoges, Claude poursuivait cette tâche. Plus de deux mille personnes furent relâchées. Restaient à peu près trois mille captifs. Le peuple et ses journalistes, Marat, Hébert dans son Père Duchesne, exigeaient avec impatience leur jugement.
    Là-dessus un coup brutal s’abattit sur la Commune : l’Assemblée législative la déclara dissoute. Naturellement, ce coup venait de Coco Roland et sa Manon, de leurs amis girondins, faux sans-culottes. Le petit Louvet, à la section des Lombards qu’il présidait, avait fait déclarer le Conseil général coupable d’usurpation. Ils avaient toujours détesté la Commune, à présent son pouvoir discrétionnaire leur faisait peur, mais en elle ils visaient surtout la puissance « cyclopéenne » de Danton. Eh bien, on allait voir ! Ça ne se passerait pas comme ça. Tallien, à la section des Thermes, près des Cordeliers, demanda que l’on marchât en armes sur les Lombards. À la section Mauconseil, Lhuillier déclara que le peuple devait se lever et soutenir la Commune contre l’Assemblée. Pétion en personne – que Claude sentait pourtant glisser vers le clan Roland – prit la tête d’une délégation du Conseil général pour aller au Manège justifier et défendre la Commune. Devant les réactions des sections généralement menaçantes, l’Assemblée n’osa pas maintenir son décret. Le soir, Claude, passant à la Chancellerie pour rendre compte au ministre des dernières opérations du Comité de surveillance générale, le trouva goguenard, en train de plaisanter avec Desmoulins. « Tiens, dit-il, tu arrives à temps. Viens avec nous voir la mine de la reine Coco. Elle va être ravie de nous accueillir. » Et comme Fabre entrait, chargé de dossiers : « Ah ! non ! protesta Danton. Signe-moi tout ça. Tu as ma griffe, c’est pour t’en servir. Qu’on me foute la paix, j’ai assez travaillé. »
    Claude n’était retourné qu’une fois, avec Lise, chez les Roland depuis qu’ils avaient

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