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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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des commissaires, devant l’estrade, Claude reconnut sous les plumes noires un visage dont il se souvenait sans pouvoir y mettre un nom. Tout à coup, cela lui revint. Mais oui, parbleu, le « parent » besogneux de Desmoulins : ce… comment déjà ? Foctinville. Camille était donc parvenu à le caser. Eh bien, sa place n’avait rien d’enviable.
    « Je crains, confia Claude à Faure en sortant avec lui dans le corridor des Peintres, je crains que ce tribunal n’ait été une erreur, et nous sommes à un moment où l’on n’a pas le temps de se tromper. J’ai un sentiment très sombre, mon cher Faure, je l’avoue. »
    Il y avait en toute chose, dans une situation éminemment explosive, trop d’impuissances, de lenteurs, de tiraillements entre les pouvoirs, d’oppositions entre les personnes. Danton s’efforçait en vain d’unir tous les révolutionnaires, il ne parvenait pas lui-même à dompter son instinct, à se contraindre avec Manon Roland. Sans doute semblait-il réussir, à force de coups de gueule et de mesures violentes, à éveiller dans le public la conscience nationale. Partout, sur les théâtres élevés dans les rues pour recevoir les enrôlements, les volontaires s’inscrivaient à présent en foule. Mais Claude savait trop, par l’expérience de Bernard, qu’on ne forme pas des soldats en huit jours. Et l’enthousiasme, ainsi provoqué au milieu de la surexcitation, avait quelque chose de menaçant, d’incontrôlable. Çà et là, on entendait des gens dire : « Volons à l’ennemi mais ne laissons pas derrière nous des royalistes qui sortiront de leurs prisons pour égorger nos familles quand nous serons partis. » Le mot de Danton : « Tout ce qui peut nuire à la nation doit être rejeté de son sein », autorisait les déterminations les plus farouches.
    Sur la Grève, un attroupement s’était formé devant le pilori où l’on exposait un voleur. Tandis que les aides l’enchaînaient au poteau, il se débattait en fulminant. De plus près, Claude entendit que le misérable s’en prenait à ses juges, au gouvernement, à l’état de choses. Sanson lui enjoignit de se modérer, sans quoi on allait lui mettre le bâillon. Mais l’homme, encore plus furieux, de hurler : « Vous êtes tous des jean-foutre. Vive le Roi, vive la Reine, vive monseigneur La Fayette ! Mort à la nation ! » Claude arriva juste à point pour recevoir ces paroles et le rugissement des spectateurs qui se ruaient sur l’échafaud. Ils repoussèrent Sanson et ses valets, s’emparèrent de Jean Julien – tel était le nom inscrit sur la pancarte du pilori – et se mirent en devoir de l’assommer. Sous les coups, il invectivait toujours, criant que les honnêtes gens sauraient bien sortir des prisons pour exterminer la racaille patriote. C’est lui qui l’eût été, exterminé, sans les efforts de Sanson, de quelques gardes, de Claude proclamant : « Respect à la loi, citoyens ! Respect à la loi ! Cet homme vient de commettre un crime pour lequel il doit être jugé.
    — Au diable tes juges ! répondit quelqu’un. Ils ne savent que lantiponner, on n’a pas besoin d’eux. »
    Manuel accourait avec Dubon, plusieurs autres municipaux et le poste de l’Hôtel de ville, mais la foule grossirait, l’affaire menaçait de tourner à l’émeute. Les furieux s’en prenaient à la Commune elle-même, l’accusaient de trahir le peuple. Manuel parvint cependant à les contenir en déclarant que l’insulteur de la nation allait être jugé sur-le-champ. Une partie des mutins suivit les municipaux. Une autre partie, dont l’effroi surpassait l’indignation, se répandit en ville où elle confirma, par les paroles de Jean Julien, lebruit d’un complot des prisonniers prêts à fondre sur le peuple.
    Le Conseil général ayant suspendu sa séance jusqu’à cinq heures de relevée, Claude alla dîner avec son beau-frère, et comme il lui disait qu’une conjuration dans les prisons lui semblait peu possible, Dubon répliqua : « Je ne suis pas de votre avis, les royalistes pourraient fort bien avoir des complices parmi leurs gardiens, des intelligences avec l’extérieur, des agents chez les émigrés. Rien ne prouve que des guichetiers n’aient pas été soudoyés à prix d’or pour ouvrir les portes, le moment venu, c’est-à-dire quand les armées de la tyrannie seront proches.
    — Le nombre des captifs est petit par rapport à nous, ils ne sauraient nourrir

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