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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Marat n’ont eu nulle peine à exciter là-dessus le peuple en ses soupçons, pour le rendre entièrement furieux. Il ne trouve plus assez expéditive la justice des tribunaux. Il proclame aujourd’hui, dans les sections, sa souveraineté. Il se dispose à remplir lui-même, avec l’armée des Jacobins, tout à la fois les fonctions d’accusateur, de juge et de bourreau. Messieurs, nous ne devons point vous cacher que vous risquez de ne plus comparaître devant le tribunal extraordinaire, où siègent tout de même des magistrats, mais d’avoir affaire aux révolutionnaires les plus violents, les plus bornés. Il vous faut préparer une défense très simple, avec d’irréfutables arguments. »
    Ce soir-là, puis dans la nuit, il y eut comme une vague d’élargissements. Les guichetiers venaient chercher un détenu après un autre, en lui annonçant que les commissaires l’attendaient pour lui rendre la clef des champs. Laquelle annonce valait auxdits guichetiers de bonnes gratifications. Les libérés, tout joyeux, partageaient l’argent qui leur restait entre leurs camarades d’infortune et les porteurs de l’heureuse nouvelle. Dans la chambre où logeait Weber, furent élargis ainsi M. Le Fauchet, administrateur des poudres et salpêtres – dont le père, en le voyant arrêter, s’était brûlé la cervelle –, et un peu plus tard M. de la Merlière, ci-devant comptable à la liste civile. Avec Weber, ils restaient cinq de la chambrée, espérant entendre à leur tour l’appel libérateur. L’aube du dimanche 2 septembre les trouva cependant toujours captifs, et, dans la matinée, le mouvement parut s’inverser : on ne relâchait plus guère, on incarcérait de nouveau.
    C’était Marat qui, ayant mis à l’abri certains aristocrates auxquels lui ou ses amis s’intéressaient, ne se montrait pas moins soigneux d’en faire arrêter d’autres dont il tenait à débarrasser la nation. Des placards meurtriers qu’il n’avait pas hésité à signer tapissaient les murs. À cette heure, le Comité de surveillance, c’était lui : lui dans la personne de Panis qui partageait sa dévotion entre Marat et Robespierre, lui encore dans les falotes personnes de Duplain, de Jourdeuil. Sergent, pour ne point assister à ce qu’il ne voulait ni empêcher ni souffrir, était parti pour la campagne, après avoir signé avec Panis un ordre aux membres de la section des Quatre-Nations : « Au nom du peuple, camarades, il vous est enjoint de juger tous les prisonniers de l’Abbaye, sans distinction, à l’exception de l’abbé Lenfant que vous mettrez en lieu sûr. »
    Claude, en sortant de chez lui, s’était rendu à l’assemblée de l’Hôtel de ville. Là devait nécessairement se trouver le centre et le moteur de toute action quelle qu’elle fût. Le public pensait également ainsi, il occupait en nombre les tribunes. À la surprise de Claude, on ne voyait ni Robespierre, ni Danton, ni Marat : aucun des trois hommes auxquels, dans l’abandon de tous les pouvoirs, les circonstances semblaient commander de s’en remettre pour provoquer un sursaut héroïque. Ce fut Manuel qui prit la parole. Il annonça officiellement le danger de Verdun. Afin d’y parer, il proposa que tous les citoyens enrôlés depuis le 26 août se réunissent au Champ de Mars et partissent le soir même pour barrer la route à l’ennemi.
    « Fort bien, dit quelqu’un dans le brouhaha, mais chacun dans la ville doit connaître l’état d’alarme, savoir que la patrie attend tout de ses enfants, et pour cela il faut sonner le tocsin, battre la générale, tirer le canon.
    — Le drapeau noir ! lança une voix. Mettez le drapeau noir, ici et sur les tours de Notre-Dame. »
    Ces propositions furent votées séance tenante. Tallien demanda qu’on les transmît immédiatement à l’Assemblée nationale. Claude, comme membre du Comité de surveillance, fut désigné avec Dubon, représentant le Conseil général, pour aller au Manège. Thuriot était en train d’y faire une motion habile : celle de porter à trois cents les membres de la Commune. L’idée venait peut-être de Danton lui-même, elle eût abouti à noyer les maratistes sous un flot de nouveaux élus formant une majorité modérée. Les Girondins ne comprirent pas. Prévenus par le clan Roland, ils voyaient en Danton l’homme de la Commune, ils crurent qu’en augmentant celle-ci ils accroîtraient sa puissance, à lui. Lorsque Claude et

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