Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
et des scélérats détenus dans les prisons de Paris. Signé : Charles Boussemart, patriote sans moustache. » Aux carrefours, dans le tintamarre des musiques guerrières, des chants, des applaudissements, toutes sortes d’hommes, de tout âge, se succédaient sur les théâtres patriotiques, pour s’enrôler.
    Danton, dans son cabinet ensoleillé, recevait Prudhomme venu s’enquérir du fameux complot royaliste. « Oui, dit Danton quelque peu ironique, nous devions être égorgés cette nuit, à commencer par les plus patriotes.
    — Je me demande bien comment ?
    — On avait procuré à ces coquins d’aristocrates, dans leurs prisons, des armes à feu et des poignards.
    — Allons donc ! fit le directeur des Révolutions de Paris. Tout cela me paraît bien imaginaire. Mais puisque ce complot est découvert, je pense que les moyens ont été pris pour y parer.
    — Les moyens ! répliqua violemment Danton. Le peuple irrité et instruit à temps veut se faire justice lui-même.
    — Il me semble que l’on pourrait adopter une mesure moins violente. »
    Exaspéré, Danton se leva et, saisissant Prudhomme aux épaules, lui cria en pleine figure : « Vous ne comprendrez jamais rien, ni les uns ni les autres. Toute espèce de mesure modérée est inutile. La colère du peuple est à son comble, il y aurait même danger à l’arrêter. Sa première fureur assouvie, on pourra lui faire entendre raison. »
    Claude venait d’entrer, introduit par Desmoulins. « Tu n’as pas avisé Prudhomme, dit Camille à Danton, que les pré… les précautions nécessaires ont été observées. Sois tranquille, mon ami, les… les innocents ne risquent rien. S’il y a des victimes im… immolées à une juste colère, ce ne sera que les coupables.
    — Qu’attends-tu, Georges, pour parler ? s’écria Claude. Si tu ne peux pas retenir le peuple, pousse-le ! Pousse-le à combattre, lance-le sur les armées des tyrans, ou la nation est perdue.
    — Patience ! Ce que j’attends, c’est le tocsin, le canon, la générale. J’attends que la peur panique les brise tous et me les livre. Alors je les saisirai, ils entendront ma voix, je sonnerai la charge. » Il prit Claude par le bras. « As-tu dîné ? Non, eh bien mangeons ensemble, puis nous irons tous à l’Assemblée. » Prudhomme les quitta. Ils montèrent au second étage où se trouvaient les appartements. M me  Recordain, la mère de Danton, était là, avec les deux petits et Gabrielle-Antoinette, un peu maigrie. Elle avait perdu ses couleurs. Claude ne toucha guère aux plats, Danton mangeait et buvait solidement. Depuis le 10 août, il menait une existence exténuante, il lui fallait de la nourriture. « Viens avec nous au Manège », proposa-t-il à sa femme, toujours belle malgré sa pâleur, dans son fourreau de taffetas gris perle. « Viens, ce sera un spectacle.
    — Je ne l’aime pas, ce spectacle, tu sais bien.
    — Oui, et tu as raison. Il est hideux. C’est le cirque romain, sans le soleil, avec des veaux en guise de lions. Je te promets que bientôt je quitterai l’arène. Nous retournerons à Arcis, vivre dans le calme et le bonheur. Mais viens aujourd’hui, ça en vaut la peine. Tu me verras au milieu des bêtes, tu suivras les débats comme la reine Coco. »
    On entendit battre le tambour sur la place. Fabre et Desmoulins entrèrent, disant qu’il était temps. Puis ce fut le gros Robert. « La séance va reprendre à l’Assemblée », annonça-t-il. Danton et sa femme étaient allés s’apprêter. Ils revinrent, elle avec un chapeau garni de dentelle blanche, lui dans son habit couleur de sang, qui faisait de l’homme un véritable drapeau. On accomplit le bref trajet dans une voiture du ministère. Quand elle pénétra dans la cour des Feuillants, les gros canons d’alarme, sur le Pont-Neuf, commençaient de gronder. Les députés se rassemblaient par paquets dans le couloir, regagnaient leurs banquettes. Claude accompagna Gabrielle-Antoinette et s’assit avec elle dans la loge municipale. Bientôt, ils virent Danton dans la salle, au milieu des groupes. Il était le seul ministre présent. « Roland et ses collègues ne veulent pas se compromettre, bien entendu, dit Claude, ou alors ils ont trop mal au ventre pour venir. » Danton avait repéré Gabrielle, il lui envoya du bout des doigts un baiser, puis il gravit les marches de la tribune. Les conversations s’arrêtèrent. Le président agita sa

Weitere Kostenlose Bücher