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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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« Adieu, Pauline. Dieu vous bénisse. » La porte en se refermant coupa le reste. L’homme repoussa les verrous, puis, guidant la jeune fille dans l’obscurité qu’il dissipait mal avec sa petite lanterne, l’emmena en hâte. Ils descendaient un escalier quand des bruits leur parvinrent. Il lui fit remonter précipitamment quelques marches, la poussa dans un étroit cachot où il la mit sous clef. Il retira celle-ci et s’éloigna. Un reste de chandelle éclairait à peine, tantôt jetant un éclat pétillant, tantôt ne donnant plus qu’un point rouge. Les bruits de pas et de voix augmentèrent, décrurent. La chandelle mourut. Pauline frissonnait. Enfin, elle s’entendit appeler. L’obscurité se fendait doucement. Le mystérieux personnage reparut avec sa lanterne. Elle lui éclairait le visage. Pauline reconnut les traits d’un des municipaux qui les avaient conduites ici, elle, sa mère et M me  de Lamballe, après leur interrogatoire à l’Hôtel de ville. Un homme d’environ trente-cinq ans. Il la prit de nouveau par le bras et ils achevèrent de descendre en silence. Au bas de l’escalier, il la mena dans une chambre où, lui montrant un paquet posé sur le lit, il lui dit de s’habiller avec ce qu’elle trouverait là-dedans, puis il la laissa seule. Bouleversée, elle demeura inerte, sans songer à obéir. Le municipal, en revenant, s’exclama : « Quoi ! vous n’êtes point prête ! Ne comprenez-vous pas qu’il y va de votre vie si vous ne sortez d’ici au plus tôt ! » Elle ouvrit alors le paquet. Il contenait des habits de paysanne, ils lui parurent assez larges pour aller par-dessus les siens. En un instant, elle les eut passés.
    Elle ne reconnut rien des couloirs puis d’une cour vide que son guide lui fit traverser. Il y avait un beau clair de lune. À mesure que l’on avançait, on entendait de plus en plus fort un vacarme de foule hurlante. Ils entrèrent dans d’autres bâtiments, arrivèrent à une porte derrière laquelle le bruit était affreux. « N’ayez pas peur, ne montrez pas de crainte », recommanda l’homme en ouvrant, mais il semblait lui-même très inquiet. Pauline vit devant elle la rue du Roi-de-Sicile. La lune et des quantités de torches illuminaient cet étroit passage rempli de peuple. Le pire du tumulte se produisait un peu plus loin vers la droite, à l’entrée de la courte rue des Ballets sur laquelle s’ouvrait le guichet de la prison, et qui communiquait avec la rue Saint-Antoine. Éblouie par tant de lumières après l’obscurité, étourdie par le fracas, l’adolescente était horrifiée par ces vociférations. Des hommes les entouraient, elle et son guide, en agitant des sabres et en criant : « Voilà un prisonnier que l’on sauve sous des habits de femme !
    — Écartez-vous, citoyens, riposta le municipal, montrant son écharpe. Je suis commissaire de votre section à la Commune, et cette jeune fille se trouve sous la protection de la loi.
    — On te connaît bien, répliqua une commère. Tu es Jean Hardy, le cordonnier. Pourquoi emmènes-tu cette donzelle ?
    — Pour obéir à un ordre du Comité de surveillance. Les innocents ne doivent pas être confondus avec les coupables. »
    Cette réponse eut bon effet. Les gens s’écartaient, lorsqu’un garde national en uniforme s’écria : « Ce n’est pas une innocente, c’est M lle Pauline de Tourzel. Je l’ai assez vue aux Tuileries quand je montais la garde chez M. le Dauphin. Elle est suspecte, elle doit passer par le tribunal comme tous les prisonniers. » Les assistants approuvaient, menaçants. Mais Hardy : « J’ai un ordre du Comité de surveillance, je l’exécuterai ou je périrai. Vous prétendez-vous meilleurs patriotes que les Panis, les Sergent, les Mounier-Dupré, les Billaud-Varenne, les Marat, pour vous opposer à ce qu’ils ont estimé juste ? Allons, citoyens, au nom de la loi, écartez-vous. »
    Sa fermeté en imposa, on fit place, il put passer avec sa protégée. Mais partout dans le quartier les gens étaient sur pied, allant et venant, quoiqu’il fût plus de deux heures du matin. Il y avait beaucoup de lumière, la jeune fille risquait d’être de nouveau identifiée. Hardy se résolut à la faire entrer dans une petite cour sombre. « Attendez-moi là, lui dit-il. Je vais pousser une reconnaissance au voisinage. » Le cœur battant, Pauline écoutait le bruit des pas dans la rue, le tumulte qui continuait non loin, avec

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