Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
soudain des clameurs plus hautes, des hurlements épouvantables. Elle se boucha les oreilles pour ne plus entendre ces cris de bêtes égorgées. Blottie dans le recoin le plus obscur, elle tremblait néanmoins que quelqu’un n’entrât et la découvrît. Enfin Hardy revint, apportant un costume d’homme dont il lui demanda de se revêtir. Elle refusa en disant que si elle risquait d’être arrêtée, elle ne voulait pas l’être sous des habits autres que ceux de son sexe. « Au reste, monsieur, ajouta-t-elle, je ne vois là ni souliers ni chapeau. Comment me prendrait-on pour un garçon, avec ces talons et surtout mes cheveux ? » Dans son trouble, le brave cordonnier avait négligé ces détails. Il n’insista pas. « Si j’ai songé à un déguisement, expliqua-t-il, c’est qu’il va nous falloir repasser devant la prison ou traverser le Petit-Saint-Antoine. Les deux chemins sont également dangereux. » Devant La Force, à l’extrémité de la rue du Roi-de-Sicile, rue des Ballets, jusqu’au coin de la rue Saint-Antoine, dans l’illumination des torches et les éclairs d’acier, il avait vu tuer sauvagement les détenus conduits au guichet. Et dans l’église dite Petit-Saint-Antoine siégeait en permanence la section des Droits de l’Homme qui donnait l’impulsion aux massacres.
    Hardy se décida pour l’église. Il conduisit par un des bas-côtés Pauline courbée en deux pour se dissimuler, la laissa un moment dans l’ombre d’une chapelle, derrière les débris d’un autel. Assise sur ses talons, elle entrevoyait, dans la nef éclairée, une assemblée bruyante, entendait des vociférations, des cris. Hardy, s’étant rendu compte que l’on pouvait avancer, vint la reprendre. Ils sortirent précautionneusement. Dehors, personne ne leur prêta la moindre attention. Au bout de quelques pas, ils arrivèrent à une maison avec une porte cochère. Le cordonnier y fit entrer sa protégée en lui disant : « Je demeure ici, vous allez pouvoir trouver un asile. » Il la mena au premier étage. Une dame, qui semblait les attendre, sortit d’un appartement. « Ah ! s’exclama-t-elle, vous avez réussi ! » Belle, jeune, son visage respirait la bonté. Elle en donna aussitôt la preuve en accueillant la jeune fille par des paroles sensibles et compatissantes. C’était la belle-sœur de Carnot. Elle connaissait la mission de Hardy, mais celui-ci, afin de ne point compromettre sa voisine, ne voulut pas lui confier M lle  de Tourzel. Il l’enferma chez lui, en face, dans une chambre, et repartit sur-le-champ.
    Seule et en sécurité, l’adolescente eut un moment de joie. Il ne dura guère, les dangers qu’elle venait de courir lui montraient trop à quels périls sa mère restait livrée. M. Hardy pourrait-il l’en garantir ? Lorsqu’il rentra, Pauline tenta de le lui demander. Il ne lui en laissa pas le temps. Il était allé à la section et en rapportait les nouvelles les plus inquiétantes. « On sait que je vous ai enlevée, dit-il. On veut vous ravoir. On pense que vous êtes ici. D’un instant à l’autre, on peut vous venir prendre. Il faut sortir tout de suite, mais non pas avec moi : ce serait vous trahir sûrement. » Il lui tendit un mantelet noir, un chapeau garni d’un voile. « Notre voisine m’a donné pour vous cela. Mettez-le. Et maintenant, écoutez bien ce que je vais vous dire, n’en oubliez rien surtout. Vous allez descendre seule. En sortant de la maison vous tournerez aussitôt à droite, puis vous prendrez la première rue à gauche. Elle vous mènera sur une petite place où débouchent trois rues. Vous suivrez celle du milieu jusqu’à une fontaine. Là, vous trouverez un passage qui vous conduira dans une autre rue beaucoup plus grande. C’est celle de la Tisseranderie. Vous y verrez un fiacre attendant près d’une allée sombre. Entrez dans cette allée, vous n’y serez pas longtemps sans que je paraisse. » Il lui fit répéter tous ces détails et lui dit encore : « Partez vite, et surtout ne vous trompez pas, car je ne saurais comment vous retrouver. Que deviendriez-vous alors ? »
    Cette crainte n’occupait que trop l’esprit de Pauline. Une fois franchie la porte cochère, elle ne sut plus si elle devait tourner à droite ou à gauche. Levant la tête, elle vit son protecteur à la fenêtre. De la main, il indiquait la direction. Le jour était maintenant très clair. On entendait encore le même tapage du côté de La

Weitere Kostenlose Bücher