Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
mêmes débris de cazettes en terre réfractaire s’empilaient dans l’herbe jaunie, la cheminée d’un des fours se dressait comme un donjon, rose aux dernières couleurs du couchant, et la treille dont les feuilles s’envolaient une à une laissait pendre ses raisins noirs.
    Mais la situation, elle, avait considérablement changé : M. Mounier, depuis le 27 août, était maire de Limoges, qui n’aurait plus qu’une seule municipalité, car on allait réunir la Cité à la ville pour former une commune unique. Il venait de succéder aussi comme Maître de la Monnaie à Louis Naurissane terré dans sa propriété de Brignac. Sa femme, Thérèse, était assignée à résidence. Elle occupait leur hôtel, ce qui ne l’empêchait point de visiter Louis au château. En vérité, on ne les persécutait pas, on les surveillait comme les Mailhard, l’ancien maire Pétiniaud de Beaupeyrat, les Mathis et tous les ci-devant « Amis de la Paix », dont les Jacobins extrêmes : les Janni, les Préat, le rousseau Frègebois, autrefois rival de Bernard dans les faveurs de Babet, auraient voulu que l’on fît une liste officielle de suspects afin de procéder contre eux. Mais Nicaut lui-même, après avoir, le matin du meurtre de l’abbé Chabrol, déclaré qu’il fallait se montrer impitoyable envers les mauvais citoyens, était revenu à plus de calme. La très grande majorité du club répugnait absolument aux moyens violents. La mort atroce du prêtre avait produit une réaction modératrice. Claude, quand il tenta, sinon de justifier, du moins d’expliquer à la tribune de la Société les exécutions sommaires dans les prisons parisiennes, sentit une résistance. Adroitement, il dévia en appuyant sur les précautions prises par le Conseil général de la Commune pour mettre à l’abri les innocents, et il fut applaudi. « Nous comprenons, déclara le président, que le péril des circonstances, comme l’a écrit le ministre de l’Intérieur, ait pu porter le peuple parisien à des mesures rigoureuses, mais nous déplorons leur cruauté. » Le message de Roland, imprimé et envoyé en province par les soins de l’Assemblée législative, avait été très favorablement reçu à Limoges. En revanche, celui de la Commune, portant le seing du ministre de la Justice, souleva l’indignation. L’accroissement du danger extérieur ne provoquait ici qu’un effort patriotique : le Département procédait à la formation d’un troisième bataillon de volontaires. « Ne vous y trompez pas, frère et ami, dit Guillaume Dulimbert à Claude. Ne nous croyez pas gagnés par un esprit rétrograde. Si vous avez été élu le premier, c’est parce que le mélange en vous de la pondération et du zèle républicain répond exactement à nos désirs.
    — Mon zèle républicain ! Comment répondrait-il à un souhait ? On ne prononce plus, ou à peu près plus, le mot.
    — Il se peut. La chose n’en a pas moins fait à couvert son chemin. Elle est mûre. Votre mandat vous commande expressément d’abolir la royauté. Eh bien, retenez ceci : le premier acte de la Convention nationale sera de proclamer la République. Réfléchissez-y et préparez-vous à l’événement. »
    Claude resta un moment à contempler en silence l’étrange personnage. Ses prédictions, ou plutôt ses avis, s’étaient toujours réalisés. D’où lui venaient ces lumières ? D’une exceptionnelle sagacité ? Ou de ses mystérieuses fonctions dans la Franc-Maçonnerie, peut-être beaucoup plus importantes que ne l’imaginait le brave Nicaut ? Claude savait par son père que l’homme aux lunettes s’absentait assez souvent de Limoges, pour aller, disait-il, à Paris où pourtant on ne le voyait ni aux Jacobins ni ailleurs. Ni Couthon, franc-maçon lui aussi, ni Danton, ni Robespierre ne le connaissaient – ou n’avouaient le connaître.
    « Et les massacres dans les prisons, les attendiez-vous ? »
    L’ex-moine répondit par un signe du front. « On pouvait les prévoir. Si je ne vous en ai pas averti, c’est qu’il n’eût pas été bon que vous le fussiez.
    — Je voudrais, dit Claude au bout d’un instant, savoir la cause de l’intérêt que vous me témoignez.
    — Vous la connaissez : l’estime, une très sincère estime pour votre caractère, et la conscience qu’en vous servant dans ma faible mesure je sers la cause du progrès.
    — N’y a-t-il rien d’autre, en vérité ? Les circonstances dans

Weitere Kostenlose Bücher