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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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jamais su grand-chose. Mais nous ne nous sommes point contentés de cette mesure : nous avons assuré les subsistances, nous sommes allés chercher le grain où il était. Faites-en autant, messieurs de la Gironde, avant de venir prétendre que nous voulons opprimer le peuple, et de lui donner des piques pour tout potage. »
    Ce coup de boutoir aux Brissotins fit rire Danton, s’esclaffer Camille, sourire Robespierre. Le patriotisme des deux beaux-frères était trop connu pour que l’on prît mal leur franc-parler. Il n’empêcha pas néanmoins, dans les semaines suivantes, les piques de foisonner par les rues où les giboulées, très froides encore, succédaient au verglas. Ornées d’une flamme tricolore, ces lances allaient de pair obligé avec le pantalon, la carmagnole et le bonnet de laine rouge dont s’emparait la mode. Claude, se souvenant des têtes brandies, au Gros-Caillou, considérait avec répugnance des armes qui ne pouvaient servir qu’à cet usage, à l’assassinat, à la guerre civile. Le Roi s’inquiéta. La municipalité aussi, sans oser proscrire les piques. Elle ordonna seulement à tous les citoyens qui en posséderaient de le déclarer à leur section, leur interdit de se former en corps et les soumit aux ordres des officiers de la garde nationale ou de la ligne. Garantie plutôt illusoire : la Commune manquait d’autorité. Manuel, son procureur-syndic, n’était pas homme de caractère, Danton, son substitut, ne s’engageait pas, Pétion se contentait de discourir et d’écrire de belles lettres prêchant l’union de la bourgeoisie avec le menu peuple, la charité et la fraternité aux riches. Accablé par les exigences d’une charge trop lourde, il disparaissait. Claude ne le voyait plus guère, même chez les Roland.
    Lui-même, du reste, ne manquait point de besogne à son tribunal, car la criminalité allait croissant avec la misère et la provocation du luxe. Depuis quelque temps, il se trouvait dans le plus singulier embarras, à cause d’un vol à main armée pour lequel il avait requis la peine capitale, comme la loi, dont il était l’un des auteurs, lui en faisait un devoir. Au mois d’octobre, un soir vers minuit, deux mauvais garçons avaient attaqué, dans la rue Bourbon-Villeneuve, non loin de chez Hébert et de son « Père Duchêne », un bourgeois qui rentrait chez lui. L’assommant à coups de gourdins, ils lui avaient dérobé le contenu de son portefeuille : huit cents livres. Crime crapuleux, tout classique, dont la conséquence judiciaire ne soulevait nul problème. L’un des bandits : Nicolas-Jacques Pelletier, déjà repris de justice, ayant été saisi par la police, s’était entendu condamner à mort, après un bref procès sans histoire. Mais les difficultés avaient commencé quand il s’était agi d’exécuter la sentence. Le code pénal, voté l’année précédente par l’Assemblée constituante, décidait que dorénavant tout condamné à mort aurait la tête tranchée. Il fallait instaurer l’égalité jusque sur l’échafaud. Plus de manants pendus, de nobles décapités. La décollation pour tout le monde, et plus de supplices barbares. Le bon D r  Guillotin s’était fait le champion de ces idées. Pour humaniser dans la mesure du possible la peine capitale, il souhaitait que l’exécution en fût mécanique. Car c’était fort bien d’étendre aux roturiers le noble privilège de la décollation, mais la dernière en date : celle de Lally de Tollendal, laissait le souvenir d’une boucherie atroce, auprès de laquelle la pendaison, si infamante qu’elle fût, semblait un doux traitement. Il avait fallu achever le malheureux à coups de sabre. Non, on ne pouvait s’en remettre à la main et à l’épée incertaines. Le savant docteur préconisait une machine à décapiter comme il en existait, selon lui, dans certains pays. Avec un appareil de ce genre, disait-il aimablement, « je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et vous ne souffrez point ». Sur la forme que devrait avoir une telle machine, il avait consulté l’homme de France le plus expert en la matière : Charles-Henry Sanson, bourreau de Paris, qui concluait à un dispositif fixant le condamné dans la position horizontale pour recevoir le coup d’un instrument tranchant et lourd, lâché de haut.
    Ces discussions dataient du printemps dernier, peu avant la fuite du Roi, après laquelle la Constituante s’était souciée de tout autre

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