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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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jour de Noël, il avait rédigé son testament, dans lequel se trouvait cette phrase : « Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre par moi et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle, si elle croit avoir quelque chose à se reprocher. » Ce quelque chose, c’était évidemment sa faiblesse pour Fersen.
    Malgré ces dispositions, Louis ne perdait pas tout espoir. Il avait noté, à l’aller, et cela se confirma au retour, que cette fois, au lieu d’un long et lent trajet à travers Paris, on le menait très rapidement. Ajouté aux renseignements qui parvenaient à la tour en dépit de toutes les précautions, cela donnait à penser. On n’était peut-être plus très sûr du peuple. Peut-être donnerait-il la main à une tentative de délivrance. Louis ne croyait pas qu’une conspiration pour l’enlever, lui et sa famille, pût réussir sans cet appui. En quoi il avait raison. Celle de Toulan et Jarjayes se heurtait en ce moment au même obstacle qui avait découragé les hommes de Danton ; l’énormité des sommes nécessaires. Ocariz, l’ambassadeur d’Espagne, avait obtenu de la banque Lecoulteux un crédit de deux millions. Il en fallait au moins deux de plus. Les agents du cabinet de SaintJames les faisaient espérer, et Pitt se gardait bien de les fournir, malgré la pression des whigs. Pour les tories, le souverain qui avait aidé les insurgents d’Amérique, et dont les flottes avaient disputé à l’Angleterre la maîtrise des océans, devait périr.
    La Convention, en présence du roi, avait, cette fois encore, observé le silence. Sitôt Louis parti, la violence éclata une fois de plus. Duhem demandant, du haut de la Montagne, que l’on prononçât dès maintenant la peine, les tribunes applaudirent. Dans la Plaine, Lanjuinais se leva résolument. « Le règne des hommes de sang est passé », s’écria-t-il, son visage aux traits fins tout animé d’indignation. « Il ne faut plus songer à nous arracher des délibérations qui nous déshonoreraient. Je demande le rapport du décret insensé qui a constitué la Convention en cours de justice pour juger Louis XVI. S’il doit être jugé, il faut que les formes salutaires qui protègent tous les citoyens, sans exception, soient observées pour le ci-devant roi. Sinon, que l’assemblée se borne à statuer sur ce cas par mesure de sûreté générale. »
    Enfin ! on prononçait le mot. Claude appuya vivement et eut la surprise de s’entendre soutenir à son tour par Pétion qui comprenait un peu tard. Mais la partie de la Montagne, acharnée à obtenir la mort, comprenait également que, sous cette forme, la majorité de la Convention ne la voterait pas. Duhem, Billaud-Varenne, Thuriot, Desmoulins, Legendre protestèrent avec force. Lanjuinais s’étant, dans la violence de la discussion, emporté jusqu’à dire : « Vous êtes juges et partie. Comment le roi pourrait-il être jugé par les conspirateurs du 10 août ? » il y eut une explosion de fureur. On vit de nouveau les représentants se prendre au collet, le président se couvrir, les huissiers courir à travers la salle tandis que les galeries et les tribunes piétinaient. Legendre, apoplectique de rage, hurlait : « Qu’on dépèce le tyran ! Qu’on en fasse quatre-vingt-trois morceaux pour les envoyer aux départements ! » Camille et Thuriot s’en prenaient à Defermon qui, s’efforçant de rétablir le calme, les empêchait de parler. Ils accusaient sa partialité. Il se justifia. On l’écoutait. Comme Couthon levait la main, il lui donna la parole. Couthon intervenait de sa place, ce qui contraignait au silence, car il fallait tendre l’oreille. De sa voix douce, le paralytique déclara que la Convention avait non seulement le droit mais encore le devoir de juger Louis XVI. Elle avait été réunie pour cela. L’immense majorité des élus possédait un mandat impératif sur ce point. Le devoir ne faisait donc aucun doute. Le droit non plus, n’ayant d’autre source que le peuple, dont législateurs et magistrats étaient simplement l’émanation. Il n’y avait donc pas lieu de rapporter le décret instituant au plus juste titre la Convention en cours de justice, et la discussion devait se poursuivre, toute affaire cessante, jusqu’au jugement. On passa aux voix là-dessus. La motion de Couthon fut adoptée, avec cette

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