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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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là-dessus à l’avis de Robespierre et de Marat. » Par le courrier suivant, Thérèse fit savoir qu’on avait relâché son mari.
    Au milieu de ce monde sombre et inquiétant, demeurait néanmoins pour Claude une source de douce lumière, de chaleur, de joies : Lise. Le bonheur de l’avoir ne s’usait point. Bien au contraire, il s’approfondissait sans cesse. À vingt-trois ans – depuis peu – elle était plus jolie que jamais. Son corps, dont les formes se développaient, échangeait son émouvante finesse contre la perfection d’une beauté confondante. C’était le mot. Claude restait confondu par l’exactitude si parfaite de ces proportions, par la justesse de ces lignes et de ces modelés, par la pureté de ces couleurs. Quand il refermait ses bras autour d’elle, il y avait dans sa joie l’étonnement de saisir un miracle. Elle était un miracle. Et pas seulement de beauté, de douceur charnelles, mais encore de tendresse, de compréhension, d’intelligence, de subtile coquetterie, de malice, de tact, d’habileté sans calcul, de sagesse, de courage. Existait-il une qualité qu’elle ne possédât point ? Claude en éprouvait parfois un sentiment d’irréel. Loin d’elle, il en arrivait à croire qu’il vivait un rêve, que ce n’était pas possible. Puis il la retrouvait. Le baiser qu’il lui donnait alors n’était pas seulement de tendresse, de passion, mais de reconnaissance pour être là, bien vraie, pour être elle.
    Le 26, il reprit sa place dans la salle des séances pour entendre le plaidoyer de Louis XVI. Celui-ci reparut à la barre assisté de trois avocats : Tronchet, de Sèze et le vénérable Malesherbes. La Commune avait reconnu la sottise et la maladresse d’obliger Louis à se montrer sous l’aspect d’un vagabond. Cette fois, il était rasé. « Mon conseil, annonça-t-il au président Defermon, va vous lire ma défense. » De Sèze déclara d’abord que le roi reconnaissait la compétence de la Convention. « Il se présente devant elle, ou plutôt devant le peuple français, avec calme, confiance et dignité, plein du sentiment de son innocence. » Puis il fit valoir que la Convention, si elle avait le pouvoir de supprimer la royauté, ne pouvait en revanche priver Louis XVI de l’inviolabilité reconnue par la constitution de l’année précédente. Il n’était permis de le juger que pour des actes postérieurs à sa déchéance.
    Argument irréfutable si l’on jugeait le ci-devant roi, mais il ne s’agissait pas de le juger, comme Saint-Just, Robespierre, Marat, Billaud-Varenne avaient eu le courage de le dire ; il s’agissait de se résoudre à le tuer ou d’assumer le risque de le laisser vivre. Claude n’écouta que distraitement de Sèze réfuter pendant deux heures, un à un, les arguments de l’acte énonciatif. Cette défense, comme l’acte lui-même, était en dehors de la question. Éternels Gribouilles, les Brissotins et les modérés avaient tout embrouillé en voulant un procès. Dans cette confusion, ils ne pouvaient perdre plus sûrement l’homme que la plupart d’entre eux voulaient sauver. Si l’on avait voté sur la vraie question posée par les motions de Robespierre et de Saint-Just : faut-il tuer Louis parce qu’il continue d’incarner le principe monarchique ? il n’y aurait eu que les gens à principes inflexibles pour répondre oui, c’est-à-dire une très faible partie de la Gironde et de la Montagne : au total, pas même le quart de la Convention. Ah ! la sottise de ces Brissot, de ces Roland, de ces Pétion, de toute cette Gironde qui n’avait jamais rien compris à rien ! Une sottise pire que la perversité des royalistes et des Feuillants dans les précédentes assemblées.
    « Citoyens, achevait de Sèze, je m’arrête devant l’Histoire. Songez qu’elle jugera votre jugement, et que le sien sera celui des siècles ! » Après quoi, Louis se leva, protesta qu’il n’avait jamais voulu faire répandre le sang du peuple. Le président lui présenta un trousseau de clefs dont l’une ouvrait l’armoire de fer. « Ce trousseau, saisi sur votre valet Cléry, lui a été remis par vous le 10 août », précisa Defermon. Ce qui n’empêcha pas le roi de persister à ne pas reconnaître l’existence de cette armoire.
    En quittant la salle, il dit à ses avocats : « Êtes-vous convaincus, à présent, qu’avant même que je fusse entendu ma mort était déjà jurée ? » La veille,

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