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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pas bien. « C’est le balancement de la voiture, dit Chambon, elle roule trop lentement.
    — N’êtes-vous jamais allé sur mer ? demanda Louis.
    — Oui. J’y ai fait la guerre avec La MottePicquet. » Chaumette avait en effet été mousse puis matelot.
    « La MottePicquet ! C’était un brave homme », dit le roi. Il demeura songeur, évoquant sans doute cette époque où la marine, objet de ses meilleurs soins, infligeait, sous ce glorieux chef d’escadre dont il avait fait un lieutenant-général des armées de mer, défaites sur défaites à la flotte anglaise, où il inaugurait la rade de Cherbourg, dessinée d’après ses propres indications, où la France était puissante au dehors, tranquille au dedans, où les Français aimaient leur roi. Cela ne datait pas de si longtemps !… Il regarda par la portière et se mit à nommer machinalement les rues qui coupaient le boulevard. Comme il annonçait la rue d’Orléans, Chaumette le reprit : « Dites la rue Égalité.
    — Ah ! oui. À cause de…» Il n’acheva pas et ne prononça plus un mot jusqu’à l’arrivée au Temple, à six heures et demie. Là, il réclama sa femme et ses enfants. On lui rappela qu’il ne pouvait plus communiquer avec eux. « Cela est bien dur, se récria-t-il, les yeux mouillés. Mon fils, mon fils qui n’a que sept ans. » Chambon partit bouleversé, regrettant amèrement d’avoir accepté sa charge. Avant de souper, Louis demanda s’il ne pourrait pas au moins embrasser ses enfants. « Nous n’avons pas le droit de vous le permettre », lui répondirent les commissaires.
    Le soir, au moment où Cléry le déshabillait, le roi lui dit : « J’étais loin de m’attendre à toutes les questions qui m’ont été faites. Dans mon embarras, j’ai été jusqu’à renier mon écriture. »

VIII
    Une fois l’ordre rétabli dans le Manège, Pétion, ralliant la majorité, avait fait accepter la double demande du ci-devant monarque : il aurait un conseil de son choix et tous les moyens lui seraient accordés pour présenter sa défense.
    En rentrant, Claude trouva sa femme devant le secrétaire du salon, écrivant à Bernard. Charmant tableau, cette tête blonde dans la lumière blonde. Cette nuque inclinée attirait irrésistiblement les lèvres. Lise se retourna et rendit tendrement le baiser. Elle avait passé ce jour à l’atelier des citoyennes, dans l’église Saint-Thomas du Louvre où siégeait la section. Les langues ne marchaient pas moins que les aiguilles. Les deux grands sujets étaient les difficultés croissantes de l’approvisionnement et le sort du roi. « On dit qu’on ne le tuera pas, qu’il sera prisonnier jusqu’à la paix, ou encore déporté en Espagne.
    — La paix ! soupira Claude. Elle est peut-être loin. Les Brissotins nous ont entraînés à attaquer pour nous défendre, maintenant la victoire leur aiguise les dents et ils ont insufflé à la Convention un singulier esprit de conquête. Seulement, Frédéric-Guillaume est rentré chez lui avec une armée toute prête à resservir, les Autrichiens sont chassés en grande partie de la Belgique, mais cela diminue peu leurs forces, tandis que Dumouriez s’enlise entre aristocrates, prêtres et jacobins belges, se perd dans ses démêlés avec Pache et avec les commissaires aux achats. Pour ma part, tout comme Maximilien et Marat, et comme Bernard là-bas, je vois de plus en plus poindre le Cromwell en Dumouriez. Danton lui-même en est venu à se défier de lui, il lui met Ronsin aux basques pour le surveiller. Enfin, l’Angleterre ne supportera pas de perdre ses débouchés d’Anvers. C’est pour elle la goutte qui fait déborder le vase.
    — Mais Bernard s’attend à la paix prochaine !
    — Il s’y attendait. Peut-être, si les Impériaux avaient été effectivement écrasés à Jemmapes. Encore n’est-ce pas certain. Bernard ne peut saisir l’ensemble de la situation. À mon sentiment, elle n’a jamais été plus inquiétante. Quant au roi, son pire ennemi c’est lui-même. » Claude raconta rapidement la séance, rapporta les stupéfiantes dénégations de l’accusé. Haussant les épaules avec lassitude : « Je te dirai, mon amie, conclut-il, que vraiment cet homme décourage la pitié. »
    Cependant la pitié gagnait. Le lendemain, le journal de Prudhomme, Les Révolutions de Paris, auquel collaborait parfois Chaumette, n’hésitait pas à blâmer l’excessive rigueur de la Commune :

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