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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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« Louis s’est plaint avec raison qu’on l’ait privé trop tôt de la compagnie de son fils. Il n’est pourtant pas difficile de concilier les exigences de la justice et le vœu de l’humanité. » À la Convention, Thuriot, demandant que sans retard le tyran portât sa tête sur l’échafaud, se fit huer et dut battre en retraite. « Je dis seulement, corrigea-t-il, que, si les crimes imputés à Louis sont démontrés, il doit périr. » Au centre, Lesterpt-Beauvais, un des représentants de la Haute-Vienne, lança : « L’accusé doit avoir tout le temps d’examiner les pièces. Nous ne craignons pas la vengeance des rois, mais l’exécration des nations. » Enfin, le jacobin Lecointre, l’ancien colonel de la garde nationale, à Versailles, l’un des principaux artisans du 6 octobre, réclama pour Louis le droit de voir sa fille et son fils. Une opposition enragée de Tallien vociférant : « La Convention le voudrait en vain si la Commune ne le voulait pas », irrita l’assemblée et lui fit adopter aussitôt la proposition de Lecointre, sur laquelle elle eût hésité. On vota que l’accusé verrait ses enfants après les interrogatoires, de façon à éviter tout concert entre Louis et Marie-Antoinette. Claude ne participait point à ces débats, il écoutait et se taisait. Danton n’y assistait pas, il se confinait au comité diplomatique. Le 15, il repartit pour la Belgique, singulièrement renfermé, sombre et bougon. Le lendemain, Barère quittant la présidence, l’assemblée élut Defermon, qui avait demandé un fauteuil pour l’accusé. Les secrétaires, Louvet en tête, étaient tous de la Gironde ou de la Plaine. Les sentiments modérés semblaient prendre le dessus.
    Dans les jours qui suivirent, les Brissotins tentèrent une manœuvre en proposant de bannir Orléans. Manœuvre aussitôt dénoncée par Saint-Just en ces termes : « On affecte de lier le sort d’Orléans à celui du roi, pour les sauver tous les deux peut-être ou, du moins, pour amortir le jugement de Louis Capet. » La Montagne jugula l’entreprise. La question fut renvoyée immédiatement après le procès du ci-devant roi. Claude n’était pas là : comme autrefois, à Versailles, il cherchait avec Lanjuinais et Sieyès à doter la France d’institutions fondamentales. Mais ni Lanjuinais ni Sieyès, pas plus que Danton, ne voulaient de la démocratie. Le sens révolutionnaire de Lanjuinais, Claude s’en rendait compte à présent, n’était jamais allé plus loin que le gallicanisme, la monarchie tempérée, le partage du pouvoir entre le souverain et la bourgeoisie. Quant à l’ancien aumônier de Mesdames, à l’orateur si téméraire en 89, il creusait sournoisement des galeries au bout desquelles, manifestement, il espérait bien ressortir aux premières places de l’État en gestation, sinon même à la première. Robespierre n’avait pas tort de l’appeler « la taupe de la Révolution ». Tout en bataillant pied à pied avec Lanjuinais qui l’exceptait de son aversion pour les Montagnards, Claude lui conservait son respect, à défaut de l’admiration enfuie, et il se défiait au plus haut point de Sieyès. En vérité, Claude le présageait avec chagrin, le comité accoucherait d’un nouveau monstre.
    Ainsi, ne se trouvaient de toute part que des sujets de tristesse, d’inquiétude. L’année 92 se terminait lugubrement, dans l’irritation, le malaise, l’amertume, dans le froid et la boue d’un hiver aux sinistres auspices, avec, une fois encore, la disette menaçante. On revoyait les queues aux boulangeries, les sentinelles devant les boutiques de denrées, les figures faméliques émergeant des bas-fonds. De pénibles nouvelles arrivaient de Limoges : Louis Naurissane venait d’être arrêté à Brignac. Lise partageait l’angoisse de sa sœur. Claude s’était empressé d’écrire aux Jacobins de là-bas pour défendre son beau-frère. « Naurissane, leur disait-il, manque, certes, d’esprit démocratique, mais il n’a commis aucun acte contre-révolutionnaire. Je ne voudrais pas rappeler mes services, peut-être jugerez-vous toutefois qu’ils méritent, en échange, quelque indulgence pour un membre de ma famille. Je ne balancerais point à me séparer de lui s’il était coupable. Il ne l’est pas. Qu’en raison de son caractère il soit sous surveillance, cela se comprend, mais rien ne justifie son incarcération. Au besoin, j’en appellerai

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