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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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la bougie. « C’est accompli, dit-il, j’ai demandé la peine capitale. L’évêque également. Le scrutin dure toujours. Je te raconterai ça plus tard.
    — Veux-tu prendre quelque chose ?
    — Non. Dormir, dormir. »
    Ses vêtements ôtés, il frissonna. Il ne faisait pas chaud dans la chambre. « Je t’ai chauffé ta chemise », dit Lise en la sortant d’entre les draps. Elle la lui passa. Il se coula dans le lit où elle étendait le bras, creusait la hanche pour le recevoir. Sitôt allongé contre elle, il perdit conscience. Des contractions nerveuses l’agitèrent faiblement tandis qu’il glissait au profond du sommeil. Lise resta les yeux ouverts, le cœur gonflé de tendresse et de tristesse. Les bruits quotidiens renaissaient dans la maison qui commençait de se réveiller.
    Claude dormit jusqu’à midi passé. Un peu avant deux heures, il reprenait sa place au Manège. Dehors et à l’intérieur, c’était toujours le même tableau, mais la fatigue plombait bien des visages. Presque toute la Montagne restait sur ses bancs, les députés de Paris n’ayant pas encore été appelés. L’interminable procession se poursuivait dans la clarté grise. Certains justifiaient leur opinion par de véritables discours : tel Daunou qui disserta pendant plus d’une demi-heure sur Dieu, la liberté, la justice et la littérature pour conclure que la Convention avait le droit de déposer Louis XVI mais non pas celui de l’exécuter. Quand on appela la Seine-et-Oise, le président donna lecture d’une lettre par laquelle Séchelles, ne pouvant regagner Paris à temps, se prononçait pour la condamnation, sans préciser la peine : ce qui enlevait toute valeur à son vote.
    On rallumait les lampes lorsque vint enfin le tour de la députation parisienne. Et ce fut une suite presque ininterrompue de coups de hache. La mort ! La mort ! La mort ! « Je ne suis pas de cette foule d’hommes d’État qui ignorent qu’on ne compose pas avec les tyrans, qui ignorent qu’on ne frappe les rois qu’à la tête, qui ignorent qu’on ne doit rien attendre de ceux d’Europe que par la force des armes. Je vote la mort du tyran », lança brutalement Danton comme un défi à ceux qui avaient espéré le gagner ou l’intimider et à ceux qu’il avait lui-même espéré gagner par ses manœuvres diplomatiques. Robespierre reprit l’essentiel de son dernier discours et conclut, en prononçant la mort, que la tendresse pour les opprimés l’emportait en lui sur la pitié pour les oppresseurs. Saint-Just laissa tomber le mot de ses lèvres sans ajouter aucune explication. Marat, Legendre, Billaud-Varenne, le peintre David, demandèrent la mort dans les vingt-quatre heures. En revanche, l’ancien procureur de la Commune, Manuel, qui disait autrefois : « un roi mort n’est pas un homme de moins », déclara : « Les Français étaient humains quand ils étaient esclaves. Devons-nous ne plus l’être parce que nous sommes libres ! Je vote pour la détention jusqu’à la paix. » Claude ne s’étonna point d’un tel changement : Manuel, lui aussi, avait vu vivre au Temple Louis et sa famille.
    « Je vote la mort, trop… trop tard peut-être pour l’honneur de la Convention », énonça Desmoulins.
    Le nom de Philippe Égalité provoqua une sensation dans les loges et parmi le public populaire. Le ci-devant Grand-maître de la Maçonnerie, l’homme qui, par ses intrigues, avait été le principal artisan des malheurs du roi, le prince veule et vil que Claude méprisait depuis l’ouverture même des États, monta lourdement à la tribune. Corpulent, rouge, bien nourri, il rappelait par l’apparence générale son cousin, quand Louis XVI était encore florissant. Il déplia un papier et lut flegmatiquement cette déclaration : « Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou qui attenteront par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote pour la mort. » Un murmure d’horreur répondit à ces paroles. Sillery, le fidèle complice d’Orléans, avait opté pour la détention jusqu’à la paix. On pensait que son maître agirait de même, s’il ne s’abstenait pas : ce dont nul n’eût songé à lui faire grief.
    « Le malheureux, dit Robespierre, il n’était permis qu’à lui de se récuser.
    — On ne peut pousser la haine si loin ! s’exclama Claude. C’est la peur maintenant qui l’incite à sacrifier son cousin. En

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