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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vérité, il n’aura manqué à Orléans aucune sorte d’abjection. »
    À huit heures seulement, le défilé se termina. Pendant que les membres du bureau procédaient, dans la salle des conférences, au recensement des suffrages, Vergniaud, reprenant place au fauteuil où il s’était fait remplacer une partie du jour, annonça qu’il venait de recevoir deux lettres : l’une des défenseurs de Capet, l’autre du ministre des Affaires étrangères, contenant une communication par laquelle l’ambassadeur Ocariz offrait la reconnaissance de la République par l’Espagne et la médiation de celle-ci auprès de toutes les autres cours, si la vie de Louis XVI était épargnée. Sans prendre le temps de demander la parole, Danton bondit. « L’ordre du jour ! » tonna-t-il. Sur quoi Louvet, outré par ces façons de tribun, lui lança :
    « Tu n’es pas encore roi, Danton, et les dictateurs de Septembre ne m’effraient pas ! »
    Danton haussa ses lourdes épaules. « Je proteste, dit-il, contre l’audace d’une puissance qui prétend influer sur vos délibérations. Quoi ! on veut nous dicter nos lois, nous imposer des conditions, entrer dans nos jugements ! L’Espagne mérite que nous lui déclarions la guerre. »
    On passa purement et simplement à l’ordre du jour, c’est-à-dire à la lecture du second message. Les avocats de Louis demandaient à être entendus. « Non, répondit Robespierre avec force. La Convention ne peut entendre aucun étranger à elle-même avant d’avoir rendu son verdict. »
    La majorité lui donna raison. C’est alors que l’on vit un spectacle étrange. Duchastel, député des Deux-Sèvres, malade, se faisait porter sur une civière, enveloppé des couvertures de son lit. Des protestations éclatèrent. Sa seule voix pouvait tout changer. Mais les dispositions arrêtées l’avant-veille étaient formelles : on devait recevoir les suffrages, même après clôture du scrutin. Duchastel vota le bannissement. « Au fond de toi, demanda Le Bas à Claude, ne souhaites-tu pas que cette voix l’emporte ?
    — Non. La décision m’a coûté, mais je l’ai prise. Elle est cruelle, je le sais, mais elle est nécessaire. Souhaiter qu’elle ne s’exécute point serait faire un vœu contre la nation. Nous ne pouvons rien regretter, mon ami. »
    Tout le monde attendait avec une nervosité exacerbée les résultats du scrutin. Comme la veille au soir, les députés avaient, pour la plupart, quitté leurs banquettes. Ils se répandaient dans la piste, mêlés au public envahissant. Ils rendaient visite aux loges où les Laïs et autres Raucourt enrubannées de tricolore étaient revenues au spectacle, à leurs paris, à leurs sorbets. Quittant Gay-Vernon, Lesterpt et Bordas qui parlaient avec leurs quasi-compatriotes, Treilhard, Borie, Brival, représentants de la Corrèze, Claude tomba, parmi les groupes, sur Danton éclatant dans son habit sang de bœuf.
    « Eh bien ! tu as entendu ma réponse à ces infâmes émigrés ?
    — Oui, dit Claude gravement, mais prends garde, Danton. Tu vas trop loin dans le cynisme. Je ne te reproche pas ton vote : c’est le mien, quoiqu’ils n’aient pas les mêmes motifs. Et, je te l’avoue franchement, je n’aime pas tes motifs. Je n’aime pas non plus te voir, pour condamner tout à coup un roi que tu avais jusque-là ménagé, revêtir cet habit de bourreau.
    — Voudrais-tu que je prenne le deuil !
    — Je voudrais, Georges, n’avoir pas toujours à m’interroger sur ce qui te fait agir. Je n’ai pas été seul à remarquer que tu as attendu le résultat du vote sur l’appel au peuple pour paraître ici, ni la soudaine violence que tu déploies depuis. Je n’aime pas entendre murmurer que tu succèdes à Égalité dans les faveurs de cette Buffon. »
    Avec un mouvement de tête impatient, Danton l’interrompit. « Trêve de commérages ! Vas-tu faire toi aussi ta grande dévote, comme Beugnot ? Vous m’assommez. Mes amis ne peuvent-ils cesser de me chercher des poux, quand je m’éreinte pour réunir à la République le territoire belge ? Voilà tout mon complot. Je t’en parlerai. »
    Des cris partaient des tribunes : « Silence, silence ! » De là-haut, on avait vu rentrer le bureau. Les secrétaires reprirent place à leur table ronde tandis que le vice-président conférait avec Vergniaud. Tout le monde s’était figé. Enfin Vergniaud se leva. « Citoyens, dit-il, vous garderez, je

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