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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vote plus marquant. La plupart des Brissotins et plusieurs amis de M me  Roland avaient opiné comme Vergniaud. Brissot lui-même, Buzot, Pétion, Louvet avaient voté le châtiment suprême, en renvoyant l’exécution « après que le peuple français aura accepté la nouvelle Constitution ». Lanjuinais, l’abbé Fauchet, Rabaut-Saint-Etienne, Defermon, Kersaint et quelques autres s’étaient prononcés pour la réclusion jusqu’à la paix. Vint Sieyès. Il laissa tomber froidement : « La mort », et descendit sans un mot de plus. Fonfrède, Ducos l’imitèrent. Condorcet demanda « la plus forte peine qui ne soit pas la mort ».
    Nombre de députés, ayant rendu leur verdict, s’en allaient. Dans les loges, les tribunes, l’assistance s’éclaircissait peu à peu. La fatigue avait raison de la simple curiosité. Les actrices, les courtisanes laissaient la place aux citoyennes. Peu après cinq heures, le sort désigna la députation de la Haute-Vienne. Camille secoua Claude, qui cédait à la fatigue après sa précédente nuit quasiment blanche. « Reprends tes esprits. Hon, ça va être à toi, citoyen. Et tâche de ne pas te tromper. Tout… tout dépend peut-être de ton suffrage. » Claude secoua la tête. Son cœur battait.
    Bordas fut appelé le premier. Il demanda la réclusion perpétuelle. Faye vota pour la détention jusqu’à la paix, le bannissement ensuite, et il justifia longuement son avis. Claude gravit les marches. Tallien lui fit au passage un geste énergique. Il ne le vit point, l’émotion l’oppressait. « La mort », dit-il enfin. Se ressaisissant, il poursuivit d’une voix ferme : « Je vote la mort sans sursis ni atermoiement d’aucune sorte. Je la vote, le cœur déchiré. Je la vote pour un homme contre lequel je n’ai nulle haine mais qui reste roi, qui resterait roi quoi que nous fassions, et dont malheureusement l’existence est incompatible avec celle de la République. »
    Au pied des marches, Saint-Fargeau et les Cordeliers approuvèrent par signes. De même, sur les banquettes de la Montagne, Desmoulins, Legendre, Fabre. « Tu as fait ce qu’il fallait faire et comme il le fallait », dit Saint-Just lorsque Claude regagna sa place. Avec un élan bien rare, Maximilien l’étreignit. Des autres députés limousins, seuls Lesterpt-Beauvais et l’évêque Gay-Vernon votaient la mort, le premier en demandant un sursis. Les deux autres : Rivaud et Soulignac, opinèrent comme Faye pour la détention et le bannissement à la paix.
    Claude partit avec eux. Dans le couloir, Verrières l’arrêta. « Tu as une trop jolie femme pour qu’on ne souhaite pas de la voir veuve, dit en ricanant le bossu. Mais tu es trop bon sans-culotte pour qu’on ne se sente pas obligé de te conserver à la patrie. » Il appela six tape-dur, leur ordonna de conduire Mounier-Dupré et le citoyen évêque en sécurité chacun chez lui. « Quant à vous, mauvais bougres de modérantistes, dit-il au reste de la délégation, le peuple devrait vous massacrer. Il est trop généreux. » Verrières, Fournier l’Américain ou Maillard faisaient ainsi escorter, pour les défendre des chevaliers du poignard, les Jacobins qui s’étaient déclarés pour la mort. Les patriotes, au dehors, les reconnaissaient à cet indice et les acclamaient. La nuit restait encore très noire, plus noire même que jamais, car beaucoup de torches ou de lanternes avaient disparu avec une partie de la foule. Les cafés cependant brillaient de toutes leurs lumières. À travers leurs vitres embuées on les entrevoyait pleins de chalands. De chaudes bouffées odorantes sortaient par les portes, sans cesse ouvertes, devant lesquelles des misérables mendiaient. Les curieux, à cette heure, étaient surtout des commis de boutique ou des commises, des garçons bouchers avec leur tablier retroussé, le « fusil » suspendu à la ceinture, des gratte-papier et des saute-ruisseau. Ils badaudaient là, avant de se mettre à la tâche. On apercevait aussi des mitrons qui venaient de finir la leur. Tous battaient la semelle et soufflaient dans leurs mains. Devant les boulangeries, les épiceries, les queues déjà se formaient.
    Encore tout pénétré par l’étouffante chaleur du Manège, Claude ne sentait pas le froid. Il n’y avait plus en lui qu’une sensation : celle de sa lassitude, qu’une pensée, un désir : le repos. Quand il rentra chez lui, dans la chambre, Lise, éveillée, avait allumé

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