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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pour transporter sa couronne sur la tête de l’un des chefs de leurs complots ; comme il importe à sa sûreté personnelle autant qu’à la sûreté de l’empire que sa conduite ne soit plus génératrice de soupçons, je proposerai une adresse pour lui rappeler ces vérités et lui démontrer que la neutralité où il veut se tenir entre la patrie et Coblentz serait une trahison envers la France.
    « Mais je vous demande aussi, messieurs, de déclarer la patrie en danger. Vous verrez à ce cri d’alarme tous les citoyens se rallier, la terre se couvrir de soldats, et se renouveler les prodiges glorieux de l’antiquité. Appelez, il en est temps, appelez tous les Français à défendre leur pays ! Montrez-leur le gouffre dans toute son immensité. Ce n’est que par un effort extraordinaire qu’ils pourront le franchir. C’est à vous de les y préparer par un mouvement électrique qui fasse prendre l’élan à tout l’empire. Imitez les Spartiates des Thermopyles ou ces vieillards du sénat romain qui allèrent attendre la mort sur le seuil de leur porte. Non, vous n’aurez pas besoin de faire des vœux pour que des vengeurs naissent de vos cendres. Le jour où votre sang rougira la terre, la tyrannie, son orgueil, ses palais, ses protecteurs s’évanouiront à jamais devant la toute-puissance nationale et devant la colère du peuple. »
    Lorsque Lise eut rapporté à son mari le principal de ce discours dont tout Paris parlait déjà et dont la France entière allait parler, car l’impression et l’envoi aux départements avaient été résolus, elle ajouta : « Vergniaud s’est élevé au sublime, mais, à tout prendre, il n’a rien proposé de décisif. Son projet d’adresse au Roi repose sur l’éternelle chimère qui nous a conduits où nous sommes. Comment peut-on croire encore, après tant de vains essais, que Louis XVI se fera jamais le roi de la Révolution ? Je suis bien là-dessus de l’avis de M me  Roland.
    — Vois-tu, dit Claude, Vergniaud a peur. La plupart des Girondins s’accrochent instinctivement à un espoir monarchiste, comme s’y sont accrochés avant eux Barnave et Duport. Pour la même raison que Danton, au fond de lui-même, doit rester orléaniste. Parce qu’ils ne conçoivent pas un État sans monarque, parce qu’un roi est pour eux un garant de tout édifice social, de l’ordre, de la propriété. La république, je te l’avoue, ne laisse pas de me faire un peu peur à moi aussi, mais, que nous le voulions ou non, il faudra y venir. De toute façon, Vergniaud, d’après ce que tu me dis, paraît avoir aujourd’hui engagé sous le trône un levier qui va le jeter bas. Les mains ne manqueront pas pour peser, sois-en sûre. »
    En effet, l’impulsion donnée, l’émulation suivit. Dès l’arrivée des premiers bataillons envoyés par les départements, qui devaient rester à Paris pour la fête de la Fédération, Robespierre leur adressait ce message : « Salut aux Français des 83 départements ! Salut à la patrie puissante, invincible, qui rassemble ses enfants autour d’elle au jour de ses dangers et de ses fêtes ! Ouvrons nos maisons à nos frères. Citoyens, n’êtes-vous accourus que pour une vaine cérémonie de fédération et pour des serments superflus ? Non, non, vous accourez au cri de la nation qui vous appelle. Menacés dehors, trahis dedans, nous voyons nos chefs perfides mener nos armées au piège. Nos généraux respectent le territoire autrichien et brûlent les villes de nos frères belges. Un autre monstre, La Fayette, est venu insulter en face l’Assemblée nationale. Avilie, menacée, outragée, existe-t-elle encore ? Tant d’attentats réveillent enfin la nation, et vous êtes accourus. Les endormeurs du peuple vont essayer de vous séduire. Fuyez leurs caresses, fuyez leurs tables où l’on boit le modérantisme et l’oubli du devoir. Gardez vos soupçons dans vos cœurs. L’heure fatale va sonner. Voilà l’autel de la patrie. Souffrirez-vous que de lâches idoles viennent s’y placer entre la liberté et vous pour usurper le culte qui lui est dû ? Ne prêtons serment qu’à la patrie entre les mains du Roi immortel de la nature. Tout nous rappelle, en ce Champ de Mars, les parjures de nos ennemis. Nous ne pouvons y fouler un seul endroit qui ne soit souillé du sang innocent qu’ils y ont versé. Purifiez ce sol, vengez ce sang, ne sortez de cette enceinte qu’après avoir décidé dans vos cœurs

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