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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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le moindre abri dans ce vaste rectangle nu, soumise de front et sur son flanc à la fusillade de tireurs bien retranchés. De plus, huit canons dont le bronze clair luisait au soleil s’alignaient devant la façade : trois là-bas, dans la cour des Princes, vers le pavillon de Flore, quatre au centre, devant le pavillon de l’Horloge, deux dans la petite cour des Suisses. Presque toutes leurs compagnies avaient été, l’avant-veille pendant la nuit, ramenées de Courbevoie. Leurs habits rouges, semblables à l’uniforme des fédérés brestois, grouillaient autour de l’hôtel de Brionne et des écuries. Ils étaient un millier, assurait-on. On racontait également dans le quartier, à en croire Margot, que le commandant général Mandat, chargé de défendre le Château, l’avait prémuni contre une invasion intérieure par le Louvre en faisant couper le plancher, sur soixante pas, dans la grande galerie, juste avant le pavillon de Flore.
    Impressionné par l’aspect des Tuileries, Desmoulins hochait la tête. « Il ne peut y avoir combat, dit Claude, ce serait sans espoir. Le plan n’en reste pas moins bon. Si le peuple entier se lève, investit étroitement les Tuileries et se maintient là, debout, il faudra bien que l’Assemblée se résolve à prononcer la déchéance. La force ne pourrait rien, la puissance triomphera. »
    Lorsqu’il partit avec Lise, en atteignant le Pont-Neuf il s’aperçut que l’on avait également pris des mesures pour empêcher l’investissement en question. Le marquis de Mandat pensait décidément à tout. Ce n’était plus trois canons d’alarme tournés vers la Seine qui occupaient le terre-plein du pont ; une puissante batterie, prête à couvrir les quais de mitraille, coupait la rive droite de la rive gauche. Que le faubourg Saint-Marceau, le Théâtre-Français, les Cordeliers et les Marseillais casernés au couvent veuillent déboucher là, ils se feraient hacher. Une autre batterie, disposée à la Grève, au sortir de l’arcade Saint-Jean, interdisait de même toute descente du faubourg Saint-Antoine. Claude l’apprit en arrivant chez les Desmoulins. Leur petit appartement, au-dessus du café cher à Voltaire, en face du théâtre de la Nation, neuf et tout blanc, aux formes gréco-romaines, retentissait d’accents méridionaux. Les officiers élus par les fédérés de Marseille étaient tous anciens militaires. Comme tels, ils appréciaient exactement les dispositions établies par Mandat, lui-même ancien officier aux gardes-françaises. Non point royaliste, mais monarchiste constitutionnel, chef de légion, commandant à son tour de roulement toute la garde nationale, il devait assurer la sécurité des Tuileries. Il en tenait l’ordre de Pétion qui n’avait pu éviter de le donner comme maire de Paris. Mais n’était-ce pas une traîtrise, de l’appliquer si bien, cet ordre ! Mandat ne laissait aucune ressource à l’insurrection. Les Marseillais étaient fort en colère. Barbaroux, Rebecqui accusaient « l’équivoque Pétion » d’avoir, une nouvelle fois, sournoisement empêché le soulèvement. Il n’en voulait pas plus que Brissot et la plupart des représentants de la Gironde. « Nous sommes trahis par tout le monde, dit un officier marseillais, inutile de nous obstiner ici, il ne nous reste qu’à marcher contre les Autrichiens. »
    Le repas fut assez gai cependant, mais d’une gaieté artificielle, nerveuse. On se forçait à oublier les soucis, les périls, à faire rire deux jolies femmes, et Lucile riait trop. Les Marseillais prirent congé vers trois heures. Les deux ménages sortirent ensemble. Il faisait très beau, il y avait grande agitation dans les rues. Claude voulait savoir ce que pensait Danton. On alla chez lui, cour du Commerce. Il n’y était pas et la consternation y régnait. Dans le salon gris, aux fauteuils de velours d’Utrecht rouge, au guéridon d’acajou, M me  Charpentier mère s’efforçait de consoler sa fille en larmes. Le petit Antoine, un doigt dans le nez, pleurnichait par contagion. « Quel est ce désespoir ! se récria Lise en prenant les mains de Gabrielle-Antoinette. Qu’y a-t-il donc ? » Danton, dit M me  Charpentier, craignait que l’affaire n’eût pas lieu. Il était parti avec Fabre, Fréron et d’autres pour chauffer la section. Gabrielle tremblait pour lui. Desmoulins et Claude s’en allèrent à sa recherche. « Voyons, mon amie, dit Lise, il n’y a pas de quoi

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