Les Aventures de Nigel
gouverne bien sa nouvelle conquête – lorsqu’elle l’aura ! Je m’acquitterai de votre message pour milord, – c’est-à-dire, ajouta-t-il intérieurement, Richie ne lui en dira jamais un mot. Je ne suis pas homme à l’exposer à un pareil danger.
Lord Dalgarno fixa un moment sur lui un regard scrutateur, comme pour pénétrer l’intention du ton sec et ironique qui, malgré la frayeur de Richie, accompagna sa réponse ; puis, avec la main, il lui fit signe de continuer son chemin. Il marcha lui-même lentement jusqu’à ce que les trois amis fussent hors de vue ; ensuite il retourna précipitamment sur ses pas, frappa à la porte du scribe, qu’il avait dépassée, et fut introduit dans sa maison.
Lord Dalgarno trouva l’homme de loi avec les sacs d’argent placés encore devant lui, et il n’échappa point à son œil pénétrant que Skurliewhitter était déconcerté et alarmé de son arrivée.
– Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il. Quoi ! vous ne me faites pas un mot de compliment sur mon heureux mariage ? Vous ne me dites pas une parole de consolation philosophique sur ma disgrace à la cour ? Ou bien ma figure, en qualité de sot mari content de sa condition et de favori congédié, a-t-elle la vertu de la tête de la Gorgone, turbatæ Palladis arma, comme Sa Majesté pourrait le dire.
– Milord, je suis charmé ; – milord, je suis désolé, – répondit le scribe tout tremblant, qui, connaissant le caractère emporté de lord Dalgarno, redoutait les conséquences de la nouvelle qu’il avait à lui apprendre.
– Charmé et désolé ! répondit lord Dalgarno ; c’est souffler le froid et le chaud. Entendez-vous, monsieur, véritable image de la friponnerie personnifiée. Si vous êtes fâché que je sois mari trompé, sachez que je ne le suis que de ma façon, fripon que vous êtes. Elle a trop peu de sang dans les veines pour le dépenser ailleurs. Hé bien ! je supporterai comme je le pourrai l’honneur de mes cornes. – J’ai de quoi les dorer, et, quant à ma disgrace, la vengeance l’adoucira. Oui, la vengeance, – et voici l’heure fortunée qui sonne !
L’heure de midi retentit en effet à l’horloge de Saint-Dunstan. – Bien sonné, braves marteaux ! s’écria lord Dalgarno triomphant. Le château et les domaines de Glenvarloch sont écrasés sous ces coups retentissans. Si mon épée me seconde demain aussi bien que vos masses de fer me servent aujourd’hui, le pauvre lord dépouillé ne sentira guère la perte que vous lui causez. – Les papiers ! les papiers, fripon que tu es ; je pars demain pour le nord. Oh ! à quatre heures après midi, il faut que je sois à Camlet-Moat, dans Enfield-Chase ; ce soir une partie de mes gens prennent les devans. Les papiers ! Allons, dépêche-toi.
– Milord, les – les papiers de l’hypothèque Glenvarloch ? – je – ne les ai pas.
– Tu ne les as pas ! – répéta lord Dalgarno ; les as-tu envoyés chez moi, misérable ! Ne t’ai-je pas dit que je viendrais ici ? – Que veux-tu dire en montrant cet argent ? Quelle scélératesse as-tu commise pour l’avoir ? C’est une trop forte somme pour qu’elle soit acquise honnêtement.
– Votre Seigneurie le sait très-bien, répondit le scribe tout troublé : l’or vous appartient. – C’est – c’est…
– Ce n’est pas l’affranchissement de la terre de Glenvarloch ! dit Dalgarno. Ne t’avise pas de dire cela, ou, sur la place, j’arrache ton ame de procureur de ta carcasse de corbeau. En même temps, il saisit le scribe au collet, et le secoua si rudement qu’il lui déchira son habit.
– Milord, je vais appeler au secours, dit le malheureux tout tremblant, et qui éprouvait en ce moment toute l’horreur d’une agonie mortelle. – C’est le fait de la loi, et non le mien. Que pouvais-je faire ?
– Tu le demandes ? – Quoi ! échappé de l’enfer que tu es, avais-tu épuisé tous tes sermens, tes ruses, tes mensonges ? ou t’estimes-tu trop pour en faire usage à mon service ? Tu aurais dû mentir, tromper, jurer même que tu avais dit vrai, plutôt que d’arrêter ma vengeance. Mais fais-y bien attention, continua-t-il, je connais plus de tes tours qu’il n’en faut pour te faire pendre. Un mot de moi au procureur-général, et tu es expédié.
– Que voulez-vous que je fasse, milord ? Je tenterai tout ce que l’art et la loi pourront accomplir.
– Ah ! n’y manque pas, et
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