Les Aventures de Nigel
moi-même.
En même temps, il prit son chapeau ; mais Lowestoffe s’écria : – Ami Moniplies, ferme la porte, si tu as du cœur ! il ne cherche qu’à gagner du temps. Pour vous parler net, André, vous pouvez, si vous le voulez, envoyer chercher le diable, qui est le plus puissant seigneur que je connaisse ; mais vous ne sortirez pas d’ici que vous n’ayez répondu à notre proposition, en refusant ou acceptant le remboursement que nous vous offrons en deniers bien comptés. Les voilà ; c’est à prendre ou à laisser, comme vous le voudrez. J’en sais assez pour ne pas ignorer que la loi est plus forte qu’aucun lord d’Angleterre. J’ai toujours appris cela au Temple, si je n’y ai pas appris autre chose. Faites attention à ne pas plaisanter là-dessus plus long-temps, à moins que vous ne vouliez avoir vos longues oreilles raccourcies d’un doigt, maître Skurliewhitter.
– Mais, messieurs, si vous me menacez, dit le scribe, je ne puis résister à la force.
– Nous ne vous faisons pas de menaces, pas la moindre, mon petit André, dit Lowestoffe ; écoutez seulement un petit conseil d’ami, et n’oubliez pas, honnête André, que je vous ai vu dans l’Alsace.
Le scribe s’assit sans répondre un seul mot, et donna un récépissé en bonne forme de l’argent qui lui était présenté.
– Je le prends sur votre parole, maître Lowestoffe, dit-il ; j’espère que vous vous souviendrez que je n’ai insisté ni sur le poids ni sur le compte. J’ai été honnête ; s’il y a du déficit, c’est moi qui en répondrai.
– Donnez-lui une chiquenaude sur le nez avec une pièce d’or, Richie, dit le Templier. Emportez les papiers, et maintenant allons gaiement dîner où vous voudrez.
– S’il était permis de choisir, dit Richie, ce ne serait pas à ce maudit Ordinaire ; mais, comme c’est à votre choix, messieurs, le régal se fera où vous le voudrez.
– À l’Ordinaire, dit l’un des étudians.
– Chez Beaujeu, dit l’autre ; c’est la seule maison de Londres pour le bon vin, un service prompt, des plats exquis, et…
– Et la cherté, ajouta Richie Moniplies ; mais, comme je vous l’ai dit, messieurs, c’est à vous à ordonner, après m’avoir si loyalement prêté votre assistance dans cette petite affaire, sans autre condition que celle d’un léger régal.
La dernière partie de ce discours se passa dans la rue, où, un instant après, ils rencontrèrent lord Dalgarno. Il paraissait pressé : il donna un léger coup de chapeau à maître Lowestoffe, qui lui rendit son salut avec la même négligence et continua lentement son chemin avec son compagnon, tandis que lord Dalgarno arrêta Richie Moniplies d’un signe impérieux, auquel Moniplies obéit par l’instinct de l’habitude, malgré son indignation.
– À la suite de qui es-tu maintenant, maraud ? demanda le lord.
– De quiconque marche devant moi, milord, répondit Moniplies.
– Pas d’insolence, coquin. Je désire savoir si tu es encore au service de Nigel Olifaunt, reprit Dalgarno.
– Je suis l’ami du noble lord Glenvarloch, répondit Moniplies avec dignité.
– Il est vrai, répliqua lord Dalgarno, que ce noble lord s’est abaissé à choisir ses amis parmi les laquais. Néanmoins, écoute bien cela : s’il est toujours dans les mêmes dispositions que la dernière fois que nous nous sommes vus, tu peux lui dire que demain à quatre heures de l’après-midi je me dirigerai vers le nord par Enfield-Chase. J’aurai une suite peu nombreuse, car j’ai le dessein d’envoyer mes gens par Barnet. Mon projet est de traverser la forêt à petits pas, et de m’arrêter un instant à Camlet-Moat. Il connaît le lieu ; et, s’il est autre chose qu’un fanfaron alsacien, il le trouvera plus convenable que le parc pour certaines affaires. Je sais qu’il est en liberté ou qu’il y sera bientôt. S’il me manque au lieu désigné, qu’il vienne me chercher en Écosse, il me trouvera en possession des biens et des terres de son père.
– Ouf ! dit tout bas Richie, il ne manque que deux mots pour ce marché-là.
Il méditait même une plaisanterie sur les moyens qu’il savait avoir pour renverser les espérances de lord Dalgarno ; mais il vit dans les yeux animés du jeune lord qu’il y aurait du danger à l’irriter, et, domptant pour la première fois son esprit par la prudence, il se contenta de répondre :
– Dieu veuille que Votre Seigneurie
Weitere Kostenlose Bücher