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Les Aventures de Nigel

Les Aventures de Nigel

Titel: Les Aventures de Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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demeure, on croyait qu’un mariage ou un baptême ne pouvait se célébrer convenablement sans que dame Ursley, comme on l’appelait, y fût présente. Elle imaginait toutes sortes de jeux et de passe-temps pour amuser la compagnie nombreuse que l’hospitalité de nos ancêtres rassemblait en pareille occasion, de sorte que sa présence à ces cérémonies joyeuses passait pour être indispensable dans toutes les familles de moyen rang. On lui supposait aussi une telle connaissance des détours variés de la vie, qu’elle était la confidente volontaire de la moitié des amans de son voisinage, qui lui communiquaient leurs secrets et recevaient ses conseils. Les riches récompensaient ses services en lui donnant des bagues, des colliers ou des pièces d’or, ce qu’elle préférait à tout ; et elle avait la générosité de donner aux pauvres des secours gratuits, d’après le principe qui porte les jeunes médecins à les soulager de même, partie par compassion, partie pour s’entretenir la main.
    La réputation de dame Ursley dans la Cité était si grande que sa pratique s’était étendue bien au-delà de Temple-Bar, et qu’elle avait des connaissances, disons même des protecteurs et des protectrices, parmi les gens de qualité, dont le rang, attendu que leur nombre était moins considérable, et la difficulté d’approcher de la sphère de la cour beaucoup plus grande, avait un degré d’importance inconnu de nos jours, où le bout du pied du bourgeois presse de si près le talon du courtisan. Elle maintenait ses relations avec cette classe supérieure de pratiques, soit par un petit commerce de parfums, d’essences, de pommades, et de parures de tête venant de France, de porcelaines et d’ornemens de la Chine qui commençaient déjà à devenir à la mode, pour ne rien dire de drogues de diverses espèces, principalement à l’usage des dames ; mais aussi par d’autres services qui concernaient plus directement les branches secrètes de sa profession, auxquelles nous avons déjà fait allusion.
    Avec des moyens si variés et si multipliés de réussir, dame Ursule était pourtant pauvre, et elle aurait probablement été plus riche ainsi que son mari, si elle avait renoncé aux affaires de son négoce pour s’occuper tranquillement à aider Benjamin dans celles de sa boutique. Mais Ursule aimait la bonne chère, et il ne lui était pas plus possible de s’accoutumer à l’économie de la table du barbier, que d’endurer la monotonie uniforme de sa conversation.
    C’est dans la soirée du jour où lord Nigel Olifaunt avait dîné chez le riche orfèvre, que nous devons mettre en scène Ursule Suddlechops. Elle avait fait le matin un long voyage jusqu’à Westminster, était fatiguée, et s’était assise dans un grand fauteuil de bois devenu luisant à force d’avoir servi, au coin d’une cheminée où brûlait un feu brillant, quoique peu considérable ; entre le sommeil et la veille, elle regardait bouillir à petits bouillons un pot d’ale bien épicée sur la surface de laquelle nageait une petite pomme sauvage grillée. À l’autre coin de la cheminée, une jeune mulâtresse veillait avec encore plus d’attention à la cuisson d’un ris de veau placé dans une casserole d’argent, mets sur lequel Ursule comptait sans doute pour terminer une journée qui avait été bien employée, dont elle croyait les travaux finis, et dont elle pensait avoir le reste à sa disposition. Elle se trompait pourtant, car à l’instant même où l’ale était bonne à boire, et où la jeune servante basanée lui annonçait que le ris de veau était prêt à être mangé, la voix aigre et fêlée de Benjamin se fit entendre au bas de l’escalier.
    – Ma femme ! – Dame Ursule ! – Ma femme ! – Mon amour ! – On vous attend avec plus d’impatience qu’un rasoir émoussé n’attend le cuir.
    – Je voudrais que ton rasoir te coupât le sifflet, vieil âne, murmura-t-elle dans le premier moment d’impatience. – Et qu’y a-t-il donc, M. Suddlechops ? s’écria-t-elle ; je vais me coucher ; je n’ai fait que courir toute la journée.
    – Ce n’est pas moi qui ai besoin de vous, ma femme, mon doux cœur, répondit le patient barbier ; c’est la servante écossaise du voisin Ramsay qui veut vous parler sur-le-champ.
    En entendant les mots de mon doux cœur, dame Ursule jeta un regard de connaisseuse sur son ris de veau qui était cuit à point ; elle poussa un

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