Les Aventures de Nigel
auxquels il était sujet, et il répondit qu’il n’était pas surprenant que les gens du peuple se permissent quelque licence, quand ceux qu’il voyait en place ne valaient guère mieux qu’eux pour la naissance et l’éducation.
– Vous avez raison, monsieur, parfaitement raison, répondit Maxwell en plaçant sa main sur la broderie fanée qui ornait la manche du vieux chevalier : quand de pareils drôles voient des hommes en place porter des habits de hasard comme de misérables bateleurs, il n’est pas étonnant que la cour soit encombrée d’intrus.
– Faites-vous l’éloge de ma broderie ? lui demanda sir Mungo, feignant de ne pas entendre ses paroles et de ne faire attention qu’à son geste ; elle est du meilleur goût. C’est l’ouvrage du père de votre mère, du vieux James Stitchell, maître tailleur dans Merlin’s Wynd, à qui je me suis fait un devoir de donner ma pratique, vu que votre père a jugé à propos d’épouser sa fille.
Maxwell se mordit les lèvres ; mais, sachant qu’il n’y avait rien à gagner avec sir Mungo en le faisant condamner à une amende, et qu’une querelle avec un tel adversaire ne ferait que le rendre ridicule, et donner de la publicité à la mésalliance de son père, ce dont il n’était nullement curieux, il cacha son ressentiment sous un sourire moqueur ; et, exprimant son regret de ce que sir Mungo était devenu trop sourd pour entendre ce qu’on lui disait et y faire attention, il avança plus loin, et alla se poster devant les portes battantes de la salle d’audience, où il devait exercer ses fonctions d’huissier de la chambre et de vice-chambellan, quand elles s’ouvriraient.
– La salle d’audience va s’ouvrir, dit l’orfèvre à voix basse à son jeune ami ; ma profession ne me permet pas d’aller plus loin avec vous. Présentez-vous hardiment, comme votre naissance vous en donne le droit, et remettez au roi votre supplique ; il ne refusera pas de la recevoir, et j’espère qu’il y répondra favorablement.
Il parlait encore quand les portes s’ouvrirent ; et, comme c’est l’usage en pareille occasion, les courtisans commencèrent à entrer, comme les eaux d’un fleuve roulant sans interruption d’un cours lent et majestueux. Lorsque Nigel se présenta à son tour, et eut déclaré son nom et son titre, Maxwell sembla hésiter. – Vous n’êtes connu de personne, milord, lui dit-il, mon devoir me défend de laisser entrer dans la salle d’audience toute personne qui m’est inconnue, à moins que quelqu’un ne s’en rende responsable.
– Je suis venu avec maître George Heriot, dit Nigel un peu embarrassé de cet obstacle inattendu.
– Quand il s’agira d’or ou d’argent, milord, répondit Maxwell avec un sourire moitié civil, moitié ironique, la parole de maître George Heriot passera pour comptant ; mais, en fait de rang et de naissance, ce n’est pas la même chose. – Vous ne pouvez entrer, milord ; ma place m’oblige à beaucoup de circonspection. – L’entrée est obstruée, milord, je suis fâché d’être obligé de vous le dire. Il faut que vous ayez la bonté de reculer.
– De quoi s’agit-il donc ? demanda un vieux seigneur écossais qui avait causé avec maître George Heriot depuis que Nigel l’avait quitté, et qui s’avança en voyant cette altercation entre le jeune lord et Maxwell.
– C’est seulement monsieur l’huissier de la chambre et vice-chambellan Maxwell, milord, dit sir Mungo Malagrowther, qui exprime sa joie de voir à la cour lord Glenvarloch, dont le père lui a fait obtenir la place qu’il occupe. Je suppose du moins que c’est dans ce sens qu’il lui parle, car Votre Seigneurie connaît mon infirmité.
Ce sarcasme fit rire tous ceux qui l’entendirent, quoique avec la retenue qui convenait au lieu et à la circonstance ; mais le vieux lord s’avança davantage. – Quoi ! s’écria-t-il, le fils de mon brave et ancien antagoniste, Ochtred Olifaunt ! je veux le présenter moi-même à Sa Majesté.
À ces mots, il passa sans cérémonie son bras sous celui de Nigel, et ils allaient entrer dans la salle d’audience, quand Maxwell en barra l’entrée avec sa verge officielle, en disant avec un air d’embarras et d’hésitation : – Je prie Votre Seigneurie d’observer que milord n’est pas connu. Mes ordres sont stricts.
– Que veux-tu dire ? s’écria le vieux lord ; rien qu’à la coupe de ses sourcils je le
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