Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
s’entendre dire : pourquoi ce
d’abord si après il n’y a rien ? Mais dire : d’abord la nature informe,
après la nature formée, n’est pas absurde, à condition de pouvoir distinguer quatre sortes de priorités : l’éternité, le temps, le choix, l’origine. L’éternité : Dieu prime sur tout ; le temps : la fleur vient avant le
fruit ; le choix, on préfère le fruit à la fleur ; l’origine, le son est à l’origine du chant. De ces quatre ordres de priorités, que je viens d’évoquer,
le premier et le dernier sont très difficiles à comprendre, les deux autres
très faciles.
Oui Seigneur, c’est une vision rare et ardue : comprendre que ton
éternité fabrique, sans changement, du changement – ce qui explique
qu’elle soit première. Et quel esprit suffisamment aiguisé peut reconnaître sans trop de difficultés en quoi le son est à l’origine du chant ? Le
chant est fait de formes sonores. Ce qui est peut ne pas avoir de formes
mais ce qui n’est pas ne peut avoir de formes. Il y a priorité de la
matière sur la forme, pas une priorité du faire, elle est plutôt passive, nimême une antériorité dans le temps. Il n’y a pas de matière sonore
informe qui précéderait le chant, et que nous aurions à ajuster et à
façonner pour former un chant comme on travaille le bois pour fabriquer un coffret ou l’argent pour un vase. Dans ces exemples, la matière
a une antériorité sur les objets qu’on fabrique à partir d’elle. Ce n’est
pas le cas du chant. Chanter c’est entendre le son du chant, mais aucune
sonorité informe n’a précédé la formation du chant. Le son émis passe
inévitablement, et on ne peut rien en faire. Le chant n’est rien d’autre
que son propre son, lequel constitue sa matière propre. Matière qui
pour être chant est forme sonore. Comme je l’ai dit, la matière sonore
a priorité sur la forme chantée. Ce n’est pas un rapport de cause à effet,
le son n’est pas l’artisan du chant. Le son émis par le corps est au service de l’âme du chanteur pour être chant. Ce n’est pas un choix non
plus, le son n’est pas meilleur que le chant. Le chant n’est qu’un son, un
beau son. Le son est bien à l’origine du chant. Ce n’est pas le chant qui
forme le son mais le son qui forme le chant. Par cet exemple, on comprendra, si possible, que la matière des choses a été faite d’abord, et
appelée ciel et terre, parce que le ciel et la terre ont été faits à partir
d’elle. Mais elle n’a pas été faite d’abord dans le temps. Ce sont les
formes des choses qui donnent naissance au temps. Or cette matière
était informe et n’est apparue que dans et avec le temps. Mais on ne
peut en faire aucun récit sans lui reconnaître une sorte de priorité temporelle, alors qu’elle est tout en bas (les formes étant meilleures que
l’informe), et qu’elle est précédée par l’éternité du créateur pour que de
rien quelque chose soit fait.
41.
C’est à la vérité elle-même d’accorder ces différentes propositions
vraies. Que notre Dieu ait pitié de nous et nous aurons légitimement
recours à la loi, dans un seul but : le commandement du pur amour.
Et l’objet de mes aveux n’est pas d’apprendre aux autres quelle est la
pensée de Moïse, ton illustre serviteur. Si je ne t’avoue rien là-dessus,
c’est que je n’en sais rien. Je sais seulement qu’il s’agit de propositions
vraies, à l’exception de celles uniquement inspirées par la chair. Et j’en
ai dit tout ce que j’en pensais.
Les tout petits de bonne espérance ne doivent pas être terrifiés par
les paroles de ton Livre : profonde humilité, riche parcimonie. Et nous
tous qui, je le reconnais, voyons et disons la vérité de ces paroles, nous
devons nous aimer les uns les autres. Et t’aimer toi tout autant, notre
Dieu, source de la vérité si nous sommes assoiffés d’elle et non de notre
vanité. Et ton serviteur, qui a partagé cette Écriture, rempli de ton
souffle, nous devons l’honorer. Et croire qu’en écrivant ces choses sous
ta révélation, il a été attentif à ce qu’il y avait en elle de meilleur comme
vérité éclairante, comme fruits utiles.
42.
Quelqu’un me dit qu’il sait ce que Moïse a voulu dire, un autre prétend la même chose, j’arbitre en disant qu’il est sans doute plus respectueux de penser que les deux propositions sont vraies. Et même chose
si quelqu’un d’autre voit dans ces paroles un
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