Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
paroles,
qui se représentent Dieu comme un homme ou comme une sorte de
masse aux pouvoirs énormes, qui aurait brutalement décidé de faire
hors de lui, comme à distance, le ciel et la terre. Deux corps immenses,
en haut et en bas, qui contiendraient tout. Dieu dit quelque chose,
entendent-ils, et c’est fait. Ils s’imaginent des paroles avec un commencement et une fin, qui passent une fois prononcées dans le temps.
Et qui, une fois passées, cèdent aussitôt la place à ce qui a reçu l’ordre
d’exister. C’est une façon familière de penser, propre à la chair. Ce
sont encore de tout petits êtres primaires. Leur faiblesse engendre
cette façon très fruste de parler, comme des enfants sur le sein de leur
mère, et permet malgré tout de construire une foi salutaire. D’autres
retiennent que c’est Dieu qui a fait toute la diversité de l’étonnant spectacle qu’ils perçoivent. Mais si l’un d’entre eux rejette ces paroles de
pacotille et par prétention folle s’élance hors du nid nourricier, hélas il
tombera, le pauvre.
Seigneur Dieu aie pitié. Ce petit oiseau sans plumes ne doit pas être
piétiné sur le chemin par les passants. Envoie ton ange pour le remettre
dans son nid, pour y vivre jusqu’à ce qu’il sache voler.
38.
Pour d’autres encore, ces paroles ne sont plus un nid mais un verger
opaque. Ils voient des fruits cachés. Ils volettent avec joie. Gazouillent
en épiant. Picorent. Oui, ils voient, à la lecture ou à l’écoute de tes
paroles, Dieu éternel, que ton séjour permanent est au-dessus de tous
les temps passés et à venir. Pourtant, pas une créature temporelle que
tu n’aies faite. Ta volonté, c’est-à-dire toi, sans jamais changer et sans
avoir à recourir à une volonté nouvelle qui n’existait pas avant, a tout
fait. Et non sur ta ressemblance, forme de tout, mais sur une dissemblance informe tirée du néant, et qui prendrait forme par ta ressemblance, en revenant en toi, l’Un, selon la capacité fixée à chaque chose
selon son espèce. Toutes les très bonnes choses seraient faites soit placées autour de toi soit à des distances proportionnelles, beautés
variables dans l’espace et le temps. C’est ce qu’ils voient et ils s’en
réjouissent dans la lumière de ta vérité, autant qu’il leur est possible ici-bas.
39.
Un autre s’arrêtera sur ce qui a été dit : « Au commencement Dieu
fait… » Pour lui, la sagesse, c’est le commencement parce qu’elle aussi
nous parle. Ou un autre encore s’arrêtera sur ces mêmes paroles et
comprendra le commencement comme le début de la création des
choses. Pour lui, « au commencent il fait » signifie « d’abord il fait ». Et
parmi ceux qui comprennent qu’au commencement, c’est dans la
sagesse que tu fais le ciel et la terre, certains croient que sous le nom
même de ciel et terre, on désigne la matière qui sert à créer le ciel et la
terre. Ou pour un autre, ce sera les natures déjà formées et distinctes.
Un autre encore verra sous le nom de ciel une première nature
spirituelle et formée, et une seconde sous le nom de terre, informe et
physique.
Et parmi ceux pour qui les noms de ciel et de terre désignent une
matière encore informe à partir de laquelle le ciel et la terre prendront
forme, tous ne comprennent pas la même chose. Pour certains, c’est le
point de départ de la perfection de la créature intelligente et de la créature physique, pour d’autres ce n’est que l’origine de cette masse sensible physique qui contient dans son immensité les natures visibles et
perceptibles.
Et ceux qui croient que ciel et terre désignent dans ce passage les
créatures déjà distinctes et classées ne comprennent pas non plus la
même chose. Certains y voient la créature invisible et la créature visible,
d’autres uniquement la créature visible dans laquelle nos yeux contemplent le ciel lumineux et la terre obscure avec tout ce qu’il y a en eux.
40.
Mais si « au commencement il fait » revient à dire « d’abord il fait »,
c’est se priver de tout autre moyen d’interpréter correctement ciel et
terre autrement que comme la matière du ciel et de la terre, la matière
de la création universelle, intelligible et physique. Car s’il s’agit d’un
univers déjà formé, on peut justement se demander ce que Dieu a fait
après, si Dieu a fait cela d’abord. Mais après cet univers, on ne trouvera
plus rien. On aura alors le déplaisir de
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