Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
Vom Netzwerk:
raisonnable et une sombre débauche. L’une et
l’autre confondues comme dans les remous d’un torrent, une envie brutale s’emparait de ma faible jeunesse qui plongeait et replongeait dans
l’abîme de l’abjection.
    Ta colère pesait sur moi et je ne le savais pas.
    J’étais assourdi par le bruit strident des chaînes de ma mortalité. Mon
orgueil m’avait puni, je m’éloignais encore davantage de toi et tu laissais faire. J’étais ballotté et dispersé, liquéfié, échauffé par le sexe. Tu te
taisais.
    Oh ma joie lente à venir.
    Oui, tu te taisais et je m’éloignais davantage de toi dans toujours
plus de stériles semences de douleurs, d’orgueilleuses déjections et
d’inquiètes lassitudes.
    3.
    On aurait pu modérer mes malheurs. Utiliser les beautés fugaces des
dernières des créatures en donnant un but à leurs charmes : faire
atteindre le rivage de l’amour conjugal aux flots bouillonnants de ma
jeunesse qui ne pouvaient d’eux-mêmes trouver la paix dans la procréation, comme le prescrit ta loi.
    Seigneur.
    Tu façonnes la bouture de notre mort. Ta main peut adoucir les
épines, inconnues dans ton paradis.
    Non, ta toute-puissance n’est pas loin de nous mêmes quand nous
sommes si loin de toi.
    Ah, si je m’étais intéressé à la rumeur de tes nuées :
    et ils connaîtront le tourment de la chair
     or moi je voudrais vous épargner  1
    ou encore :
    il est bon pour l’homme de ne pas toucher à une femme  2
    ou encore :
    qui est sans femme pense aux choses qui sont de Dieu, comment
plaire à Dieu, mais qui est lié par le mariage pense aux choses qui sont
du monde, comment plaire à sa femme  3
    Ah, si j’avais écouté plus attentivement ces voix. Je me serais castré
pour atteindre le royaume des cieux, et j’aurais attendu tes étreintes,
tout en étant beaucoup plus heureux.
    4.
    Mais j’étais en pleine effervescence. Misérable. Je t’avais abandonné
et je suivais mon propre cours déchaîné.
    Si j’ai délaissé toutes tes prescriptions, je n’ai pourtant pas échappé à
tes fouets. Qui le pourrait parmi les mortels ? Tu as toujours été là. Ton
amour furieux aspergeait de fiel et de dégoût tous mes plaisirs interdits
pour que j’aspire ainsi à un plaisir moins brutal. Et pour n’atteindre,
dès que je le pourrais, rien d’autre que toi, Seigneur, que toi qui fais de
la douleur une leçon, qui frappes pour guérir et qui nous tues pour que
nous ne mourions pas loin de toi.
    Où étais-je passé ?
    À seize ans, je me suis exilé loin de ta maison des plaisirs. Un nouveau royaume s’est alors ouvert à moi : je me suis soumis de toutes mes
forces à une sensualité extravagante, au dérèglement de la dépravation
humaine, à la transgression de tes interdits.
    Mes parents ne se sont pas préoccupés de me marier pour m’arracher
à cette débauche. Leur seule préoccupation a été que j’apprenne le
mieux possible l’art de la conversation et de la persuasion.
    5.
    Or cette année-là, mes études furent interrompues.
    On m’a fait revenir de Madaure. Une ville proche où j’étais parti
apprendre la littérature et l’art oratoire. On économisait de l’argent
pour une destination plus lointaine encore : Carthage. L’ardeur qu’y
mettait mon père, modeste citoyen de Tagaste, dépassait ses moyens.
    Mais à qui raconter tout ça ? Non pas à toi, mon Dieu, mais grâce à
toi je raconte cela à mon genre, le genre humain. Même si une part
infime seulement est susceptible de tomber sur mes écrits.
    Et pour quoi le faire ? Pour que moi et quiconque lirait songions de
     quelle profondeur il faut crier vers toi.
    Un cœur qui fait ses aveux, une vie dédiée à la foi, se rapprochent de
tes oreilles.
    Qui alors n’aurait pas admiré cet homme, mon père ? Il ne regardait
pas à la dépense pour son fils, au-delà même de ce que lui permettait
son patrimoine, pour financer un lointain voyage d’étude. De nombreux citoyens bien plus riches ne se donnaient pas tant de mal pour
leurs enfants. Or ce même père, en revanche, ne se posait pas de questions sur ma naissance à toi ni sur ma chasteté, pourvu que je sois disert
ou désert , devrais-je dire, sans ta culture.
    Dieu. Tu es l’unique maître véritable et bienveillant de tes terres
comme de mon cœur.
    6.
    Et en cette seizième année, une parenthèse de liberté due à la situation précaire de ma famille me fit chômer tous les cours.
    J’ai alors vécu avec mes

Weitere Kostenlose Bücher