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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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cette fausse connaissance.
J’avais décidé de m’en contenter si je ne trouvais pas mieux, et j’en restais au même stade dans plus d’indifférence et de négligence.
    19.
    Et j’en suis venu à penser que ces philosophes, appelés les Académi-ciens  4 , étaient plus avisés que tous les autres. Selon eux, il fallait douter de tout. L’homme ne pouvait rien concevoir de vrai. Pour le commun des hommes et pour moi, qui n’avais pas encore tout compris de
leur intention, c’était un clair résumé de leur pensée. Et je ne me suispas caché de réprimer chez mon hôte le trop grand crédit qu’il accordait, je l’ai bien senti, à la part fabuleuse qui occupe tant de place dans
les livres des Manichéens. J’avais pourtant avec eux des relations plus
amicales qu’avec d’autres hommes indifférents à leur système. Mais je
ne les défendais plus avec la même énergie qu’autrefois. Mes relations
avec eux – Rome en cachait beaucoup – ralentissaient ma quête d’autre
chose. D’autant que je désespérais de pouvoir découvrir dans ton
assemblée, Seigneur du ciel et de la terre, créateur de tout ce qui est
visible et invisible, le vrai dont ils m’avaient détourné. Pour moi, croire
que tu as la forme d’un corps humain, que tu es borné aux traits de nos
membres physiques, était une pensée extrêmement dégoûtante. Mais si
je voulais me représenter mon Dieu, je ne savais me représenter qu’une
masse physique. Je m’imaginais que rien ne pouvait exister sinon en cet
état : cause majeure et presque unique de mon inévitable erreur.
    20.
    Car de là, j’ai cru que le mal était une sorte de substance du même
ordre. Avec sa propre masse répugnante et informe, appelée terre
quand elle est épaisse, ou ténue et subtile comme un corps aérien, un
esprit malin qu’on imagine ramper sur la terre. Et parce qu’un semblant
de piété me forçait à croire qu’un Dieu bon n’a créé aucune nature
mauvaise, j’opposais deux masses face à face, toutes les deux infinies, la
mauvaise plus étroite, et la bonne plus vaste. Ce fut pour moi le début
empesté d’autres blasphèmes. Tous les efforts de mon esprit pour revenir à la foi catholique étaient repoussés : la foi catholique ne correspondait pas à ce que je pensais. Être fidèle, j’imaginais, ô mon Dieu dont
l’amour se manifeste à travers moi, c’était te croire entièrement infini
plutôt que de t’imaginer entièrement fini sur le modèle d’un corps
humain. Mais la masse du mal opposée à toi me forçait à t’avouer fini.
Je préférais donc croire que tu n’avais créé aucun mal – qui pour moi,
dans mon ignorance, était non seulement substance mais substance corporelle puisque je ne savais concevoir un esprit autrement que sous la
forme d’un corps subtil qui se dilatait dans l’espace d’un lieu – plutôt
que de croire que la nature du mal, selon ma conception, venait de toi.
Notre sauveur lui-même, ton unique fils engendré, je me le représentais
comme extrait du bloc de ta masse lumineuse pour nous sauver. Ce quej’en croyais se limitait à ma vaine imagination. Impossible de concevoir
qu’une nature comme la sienne puisse naître de Marie, vierge, sans être
inextricablement liée à la chair. Et je ne voyais pas, selon l’image que je
m’en faisais, comment y être lié sans être contaminé. J’avais peur en
croyant à une naissance charnelle d’avoir à croire à une contamination
par la chair.
    Aujourd’hui, tes fils spirituels riront de moi avec douceur et amour
s’ils lisent ce passage de mes aveux. Mais il s’agissait bien de moi.
    21.
    Et puis je n’imaginais pas qu’on puisse réfuter leur critique de tes
Écritures. Même si parfois j’aurais vraiment aimé pouvoir en discuter
point par point avec un grand connaisseur de ces livres pour éprouver
son interprétation. Déjà, à Carthage, les discours publics d’un certain
Elpidius, qui argumentait contre les Manichéens, avaient pu m’ébranler. On ne pouvait pas facilement résister à de tels arguments en faveur
des Écritures. La réponse des Manichéens m’avait paru faible. Ils ne
s’exprimaient pas ouvertement avec facilité, mais uniquement entre
nous, et en secret. Selon eux, les écritures du Nouveau Testament
auraient été falsifiées par des inconnus qui voulaient introduire la loi
juive dans la foi chrétienne. Mais eux-mêmes étaient dans l’incapacité
de produire un seul exemplaire

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