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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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inaltéré.
    J’étais surtout tétanisé et suffocant, écrasé en quelque sorte, car je ne
concevais que des corps. J’avais le souffle coupé sous le poids de ces
masses, incapable de respirer l’air transparent et pur de ta vérité.
    22.
    Je me suis donc appliqué à entreprendre ce pour quoi j’étais venu à
Rome : enseigner l’art de la rhétorique. Au début, j’ai réuni chez moi
quelques étudiants à qui je m’étais fait connaître et qui m’ont fait
connaître à d’autres. Or voilà que je découvre à Rome de nouveaux
agissements dont je n’avais pas eu à souffrir en Afrique.
    En apparence, les chahuts de jeunes voyous n’existaient pas ici. Mais
on m’a prévenu que d’un jour à l’autre, pour ne pas avoir à payer leurs
honoraires à un professeur, beaucoup de jeunes se donnaient le mot et
partaient chez un autre professeur, trahissant leur engagement, par
appât du gain et au mépris de toute justice. Je les ai haïs de tout cœur
mais d’une haine encore impure, de peur d’être un jour à mon tour leurvictime. C’était la principale raison de ma haine, et non l’illégalité de
leurs agissements, quelle que soit leur victime. Ces jeunes répugnants se
prostituaient loin de toi. Ils aimaient les jouets volages du temps, les
conquêtes sordides qui salissent les mains. Ils embrassaient un monde
fuyant, et te méprisaient toi qui tiens bon, qui rappelles pour lui pardonner, quand elle revient vers toi, cette pute d’âme humaine.
    Aujourd’hui encore je hais ces tordus, ces affreux. Si je les aime, c’est
pour les corriger. Pour qu’ils préfèrent les études à l’argent, et qu’à ces
études ils te préfèrent, Dieu, vérité, promesse d’un bien généreux, paix
très pure. Mais en ce temps-là, dans mon petit intérêt, je choisissais de
ne pas affronter leur méchanceté, plutôt que, dans ton intérêt, de les
faire devenir bons.
    23.
    C’est alors que Milan demande à Rome, au préfet de la ville, un professeur de rhétorique. Le voyage serait aux frais de l’État. Je pose ma
candidature, avec l’appui de ceux que grisaient les vanités manichéennes. Je partais pour m’en libérer, mais à ce moment-là, ni eux ni
moi ne le savions. L’épreuve du discours imposé réussie, le préfet
d’alors, Symmaque, me fait partir. Et j’arrive à Milan chez l’évêque
Ambroise  5 .
    Adorateur de ton culte, sa notoriété était universelle. Par son éloquence, il servait à ton peuple la fine fleur de ton blé, la joie de ton
huile, l’ivresse sobre du vin. Dans mon inconscience, tu me guidais vers
lui pour qu’il me guide sciemment vers toi. Cet homme de Dieu
m’adopta comme un père. L’évêque qu’il était fut ravi de mon lointain
voyage.
    J’ai d’abord aimé non pas le docteur d’une vérité que je désespérais
de trouver dans ton assemblée, mais l’homme amical avec moi. Si j’ai
écouté avec passion ses discours publics, ce n’était pas avec l’intention
que j’aurais dû avoir. Je voulais éprouver son talent oratoire, vérifier s’il
était bien à la hauteur de sa renommée, si son débit était plus ou moinsimportant qu’on ne le proclamait. Suspendu à ses paroles, attentif, mais
négligeant et méprisant le fond. Je savourais en sa présence de délicieux
discours, plus savants que ceux de Faustus mais de facture moins gaie
et moins agréable. Sur le fond même, aucune comparaison. L’un se perdait dans les sortilèges manichéens, l’autre enseignait de façon salutaire
la doctrine du salut. Pourtant le salut est loin des criminels – comme
celui que j’étais alors. Mais j’en approchais sans le savoir.
    24.
    Je ne faisais aucun effort pour apprendre ce qu’il disait. Uniquement
pour entendre la façon dont il parlait. Dernier souci frivole dans mon
désespoir de voir s’ouvrir à l’homme un accès à toi. Mais mon amour
des mots finissait par faire entrer dans mon esprit ce que je négligeais.
Je ne pouvais en effet complètement dissocier les deux. J’ouvrais mon
cœur à l’habileté de son discours et peu à peu la vérité de ce qu’il disait
entrait en moi. D’abord, j’ai trouvé ses idées défendables. Il était possible de revendiquer sans honte la foi catholique, alors que j’avais cru
auparavant que rien ne pouvait être opposé aux attaques des Manichéens. Surtout après l’avoir entendu résoudre, de plus en plus fréquemment, l’une ou l’autre des énigmes des anciennes Écritures qui

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