Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
qu’il avait de mystère dans « la parole a pris chair ». Je savais seulement, d’après ce qu’on avait transmis de lui par écrit, qu’il a mangé et
bu, dormi, marché, qu’il s’est amusé et attristé, qu’il a parlé avec
d’autres. Cette chair n’était pas attachée à ta parole sans une âme et un
esprit humains. Tout le monde qui connaît cela reconnaît que ta parole
ne change jamais. Je savais tout cela déjà. Autant qu’il m’était possible
et sans le moindre doute. Bouger les membres du corps par la volonté,
ou ne pas bouger, éprouver un sentiment, ne rien éprouver, exprimer
de sages pensées par les signes des mots, ou rester silencieux, c’est le
propre d’une âme et d’un esprit changeants. Et si ce qu’on avait écrit
sur lui était faux, tout risquait alors d’être un mensonge. Et pour
l’humanité, plus aucune possibilité de salut dans les Écritures. Maisc’est bien la vérité qui est écrite. Or j’ai reconnu dans Christ tout un
homme. Pas seulement le corps d’un homme, et pas avec le corps une
âme sans esprit. Mais un homme simplement, non la vérité en personne.
Je l’ai pris pour un homme au-dessus de tous les autres en raison d’une
excellence particulière de la nature humaine et d’une participation
exceptionnelle à la sagesse.
Alypius pensait, lui, que les catholiques croyaient à un Dieu vêtu de
chair. Dans Christ, il n’y avait donc que Dieu et la chair. Ils n’enseignaient pas, estimait-il, que Christ avait une âme et un esprit humains.
Et convaincu en même temps que les choses qu’on racontait à son propos n’avaient pu avoir lieu sans une créature vivante et douée de raison,
il était ralenti dans sa marche vers la foi chrétienne. Mais plus tard, en
reconnaissant là l’erreur de l’hérésie apollinariste 6 , il s’est rendu avec
joie à la foi catholique. Moi, je l’avoue, j’ai appris un peu plus tard, à
propos de l’expression « la parole a pris chair », comment la vérité
catholique se distingue de l’erreur de Photin 7 . Oui, le rejet des hérétiques met en relief la pensée de ton assemblée et le contenu de sa saine
doctrine. Car il a fallu des hérésies pour que se révèlent ceux qui ont
fait leurs preuves parmi les faibles.
26.
Mais à cette époque, après la lecture de ces livres platoniciens, et leur
conseil de chercher la vérité immatérielle, et après avoir vu que ton invisible est rendu intelligible par la création, et compris par mes échecs ce
que la nuit de mon âme ne me laissait pas contempler, j’ai été convaincu
de ton existence.
Tu es infini sans être pour autant diffus à travers les espaces finis ou
infinis. Tu es tout simplement ; et tu es toujours le même, sans aucun
changement ni aucune altération en quelque partie que ce soit. Tout
vient de toi par le simple fait assuré d’exister.
Oui, j’en étais convaincu et pourtant trop faible pour jouir de toi. Je
bavardais avec aplomb comme un fin connaisseur, et si je n’avais pas
cherché ta voie dans Christ notre libérateur, ce n’est pas un homme fin
mais un homme fini que j’aurais été. Car je commençais déjà à vouloir
faire le sage. Mon châtiment débordait, je ne pleurais même pas. Bien
plus, je me rengorgeais de ma science. Où était cet amour bâtisseur,
dont l’humilité est la fondation qu’est Christ Jésus ? Et quand ces livres
me l’auraient-ils enseigné ? Tu as voulu que j’en aie eu connaissance
avant d’étudier tes Écritures. Pourquoi ? Je crois pour que s’imprime
dans ma mémoire leurs effets sur moi lorsque, plus tard, je serais apprivoisé par tes livres, et que tes doigts guérisseurs toucheraient mes
plaies. Je pourrais alors discerner, distinguer la différence entre la prétention et l’aveu. Entre ceux qui voient la direction mais sans voir le
passage, et la voie elle-même qui non seulement guide notre vue mais
nous fait aussi habiter la patrie du bonheur.
Oui, si j’avais d’abord étudié tes saintes Écritures, et qu’à leur
contact j’avais été adouci, pour tomber plus tard sur ces volumes, peut-être m’auraient-ils arraché du fondement de ton amour. Et même si
j’avais gardé en moi ces effets salutaires, j’aurais pu penser qu’on pouvait les obtenir en n’étudiant que ces livres.
27.
Affamé, je me suis jeté sur les vénérables écrits de ton souffle. Et
avant tout sur ceux de Paul, le messager.
Les interrogations que j’avais pu avoir
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