Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
une place
de Rome. Jusqu’à cet âge avancé, il vénérait les idoles et participait aux
rites sacrificiels dont s’entichait toute la noblesse romaine, tout un bric-à-brac de Dieux monstrueux en tous genres, avec Anubis l’aboyeur, qui
autrefois, contre Neptune et Vénus et contre Minerve, avaient pris les
armes 4 . Rome qui les avait vaincus les suppliait maintenant !
Voilà ce que le vieux Victorinus avait défendu pendant tant d’années
avec des accents terrifiants. Pourtant, il n’a pas eu honte de devenir un
enfant de ton christ, d’être un tout petit enfant à ta fontaine, de courber l’échine sous le joug de l’humiliation, d’obéir aveuglément à l’ignominie de la croix.
4.
Seigneur, Seigneur. Tu fais pencher les cieux, et tu descends. Tu
touches les montagnes, elles vont brûler. Par quels moyens t’es-tu insinué dans ce cœur ? Selon Simplicianus, Victorinus lisait les saintes Écritures et se passionnait pour l’étude de toute la littérature chrétienne. Il
a confié à Simplicianus, non pas publiquement mais dans le secret de
l’intimité : tu sais, je suis déjà chrétien. Je n’y croirai, a répondu l’autre,
et je ne te compterai au nombre des chrétiens qu’en te voyant dans
l’église du Christ. Ah bon, ce sont les murs qui font les chrétiens ? a-t-il demandé en riant. Mais il répétait souvent, je suis déjà chrétien. Et
Simplicianus lui répondait la même chose, et Victorinus refaisait la
même plaisanterie sur les murs. Il avait peur en réalité d’offenser ses
amis, si fiers d’être païens. Et craignait que du haut de leur morgue
babylonienne, des cimes des cèdres du Liban que le Seigneur n’aurait
pas encore fracassés, ils ne lui fassent subir leurs violentes haines. Maisaprès s’être plongé avidement dans la lecture, il est devenu plus fort. Sa
peur fut davantage d’être renié par le Christ devant les anges saints, si
lui-même avait peur d’avouer devant les hommes. Il devenait évident
qu’il serait accusé d’un crime très grave s’il avait honte du mystère de la
simplicité de ta parole et non des cultes sacrilèges de la suffisance
païenne. En les imitant, il les avait acceptés. Cette vanité le rendait
malade. Devant la vérité, il avait honte. Et soudain, brusquement, il a
dit à Simplicianus, selon le récit de ce dernier : allons à l’église. Je veux
me faire chrétien. Fou de joie, Simplicianus l’accompagna.
Une fois imprégné des premiers mystères de l’initiation, Victorinus
s’est rapidement inscrit à la régénération du baptême. Stupéfaction de
Rome. Joie de l’assemblée. En voyant cela, les prétentieux s’irritaient,
grinçaient des dents et se morfondaient.
Mais ton esclave place son espoir dans le Seigneur Dieu. Sans s’occuper des vanités et des mensonges fous.
5.
Vint l’heure de la profession de foi. Une formule précise, apprise par
cœur, et récitée de mémoire sur un promontoire, sous le regard du
peuple des fidèles. C’était la coutume à Rome qu’on imposait à ceux qui
voulaient accéder à ta faveur. Les prêtres, a raconté Simplicianus, ont
proposé à Victorinus de la réciter dans l’intimité – une offre réservée
d’ordinaire à ceux qui semblaient timides et craintifs. Mais il a préféré
proclamer son salut sous le regard de la foule sainte. Après tout, il avait
enseigné la rhétorique publiquement – ce qui ne l’avait d’ailleurs sauvé
de rien… Il ne devait donc pas être intimidé devant ton doux troupeau
quand il prononcerait ta parole. Les foules forcenées, quand il leur avait
parlé, ne l’avaient même pas intimidé.
Et quand il monte pour réciter la formule, tous ceux qui le connaissent – et qui ne le connaît pas ? – s’interpellent et crient son nom
dans un brouhaha de congratulations. Le cri étouffé résonne sur toutes
les lèvres, dans la liesse générale. Victorinus, Victorinus ! À son apparition, ils l’acclament joyeusement. Et aussitôt, ils font silence pour
l’écouter. Il prononce la formule de la foi authentique avec une éclatante conviction. Tous veulent le serrer sur leur cœur.
Oh. L’amour et la joie sont des ravisseurs. Leurs mains se sont emparées de lui.
6.
Dieu bon.
Que se passe-t-il dans l’homme pour qu’il se réjouisse davantage du
salut d’une âme si elle était désespérée et de sa délivrance d’un très
grand danger que si elle n’avait jamais perdu espoir ou si le danger
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