Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
serait une substance putrescible qui, si elle n’était pas bonne, nepourrait pourrir. J’ai donc réalisé, et c’était évident pour moi, que tu as
tout fait bon et qu’il n’existe vraiment pas de substance que tu n’aies
faite. Et puisque tu n’as pas tout fait égal, si tout existe, chaque chose
est bonne une par une, et ensemble tout est très bon parce que notre
Dieu a tout fait très bon.
19.
Pour toi le mal n’existe pas. Non seulement pour toi mais pour
l’ensemble de ta création parce qu’il n’y a rien qui puisse faire irruption
et détruire l’ordre que tu lui as imposé. Mais on estimera mauvaises
certaines parties de la création parce qu’elles ne s’accordent pas
avec d’autres. Or les mêmes s’accordent avec d’autres encore, et
sont bonnes, et sont bonnes en elles-mêmes. Et toutes celles qui ne
s’accordent pas entre elles s’accordent avec les parties inférieures de la
création que nous appelons terre. Elles s’accordent à son ciel nébuleux
et agité qui lui convient. Il n’y a pas en moi de regret, ah si elles n’existaient pas ! Ne verrais-je qu’elles seules, j’en désirerais sans doute de
meilleures, mais déjà même pour elles seules je devrais te louer parce
que tout sur terre montre qu’on le doit :
dragons et tous les grands fonds
feu et grêle
neige et brouillard
le souffle des tempêtes qui exécute ta parole
montagnes toutes les collines
et les arbres des vergers tous les cèdres
les bêtes sauvages et les animaux domestiques
les reptiles et les oiseaux ailés
les rois de la terre et tous les peuples
les princes et aussi les juges de la terre
jeunes hommes jeunes filles
vieillards enfants
louent ton nom
Mais puisque dans les cieux on te loue, on te loue, notre Dieu :
des endroits les plus hauts
tous tes anges
toute ton armée
soleil et lune
toutes les étoiles lumineuses
le ciel
et toutes les eaux en haut du ciel
louent ton nom
Alors je n’ai rien désiré de meilleur. Je pensais à tout ça. Les choses
supérieures étaient sans doute meilleures que les inférieures mais toutes
ensemble, elles étaient meilleures que les supérieures seules. Le bon
sens me l’indiquait.
20.
Malades ceux qui n’aiment pas quelque chose dans ta création.
Comme moi qui n’aimais pas de nombreuses choses que tu avais faites.
Et parce que mon âme refusait d’entendre que c’est mon Dieu qu’elle
n’aimait pas, elle ne t’attribuait pas ce qu’elle n’aimait pas. De là, elle
en était venue à l’idée de deux substances. Mais elle s’inquiétait d’avoir
à parler une langue étrangère. Et rebroussant chemin, elle s’est fabriqué
un Dieu présent partout dans les espaces infinis. Elle a pensé que c’était
toi. Elle lui a trouvé une place dans son cœur. Elle s’est fait temple de
son idole, une horreur pour toi. Puis tu as soigné ma tête, sans que je lesache. Tu as fermé mes yeux pour les empêcher de voir le vide. J’ai alors
perdu conscience un instant. Ma folie s’est endormie. Et je me suis
réveillé avec toi. J’ai vu autrement ton infini. Vision qui ne devait plus
rien aux sens physiques.
21.
Et j’ai tourné mon regard vers les autres réalités. Elles te devaient
l’existence. Toutes sans exception s’achevaient en toi. Mais autrement
que dans un lieu. Dans ta main, elles sont toutes dans la vérité. Toutes
sont vraies en tant qu’elles existent, et rien n’est faux sinon ce qu’on
pense et qui n’est pas. Et j’ai vu que chaque chose s’accorde non seulement avec son lieu mais aussi avec son temps. Que toi, qui seul es éternel, tu ne t’es pas mis au travail après d’innombrables espaces de temps,
parce que tous les espaces de temps, passés et futurs, ne disparaîtraient
ni n’apparaîtraient si tu n’étais pas déjà au travail et si tu n’étais pas toujours là.
22.
Pourquoi s’étonner – j’en ai fait l’expérience – si le pain, savoureux
pour un palais sain, est insupportable pour un palais infect ? Et si la
lumière, aimable à de bons yeux, est odieuse à des yeux malades ? Les
méchants n’aiment pas ta justice ni, à plus forte raison, la vipère et le
vermisseau que tu as créés bons, en accord avec les parties inférieures
de ta création, auxquelles s’accordent pourtant les méchants eux-mêmes tant qu’ils diffèrent de toi. Mais ils s’accordent avec les parties
supérieures quand ils te ressemblent davantage.
J’ai cherché ce qu’était
Weitere Kostenlose Bücher