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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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pour
protéger le territoire et les intérêts du seigneur. Gajraj, chef de
dacoïts
Badhak, « ancien montreur
de singes devenu Robin des Bois de Gwalior » dans les années 1830, « était
à ce point redoutable que le Durbar lui confia l’exploitation, qu’il assura de
manière extrêmement rentable, des
ghats
,
c’est-à-dire des bacs qui traversaient le Chambal ». Les Minas, autre
célèbre « tribu de voleurs » du centre de l’Inde, étaient certes la
terreur de la ville d’Alwar, mais à Jaipur on leur donnait des terres pour qu’ils
escortent les convois transportant des trésors, et ils étaient célèbres pour
leur loyauté à l’égard du rajah. En Inde comme en Sicile, les professions de
bandit et de gardien de village, de champs ou de bétail étaient souvent
interchangeables. Les Ramosi, petite communauté dacoït de la Présidence de
Bombay, recevaient de la terre, un certain nombre d’avantages et le droit de
prélever une taxe sur tous les voyageurs, et s’engageaient, en contrepartie, à
garder les villages. Ce genre d’arrangement n’est-il pas la meilleure
sauvegarde contre le brigandage incontrôlé [104]  ?
    Que ces arrangements soient officiels ou non, en fait les
habitants d’une région infestée de bandits n’ont pas le choix. Les
administrateurs locaux qui veulent accomplir leur travail tranquillement et
sans histoire – et lequel d’entre eux n’a pas ce désir ? – sont toujours
en contact avec les bandits et s’entendent raisonnablement avec eux, sous peine
de risquer de pénibles incidents locaux qui font à leur district une publicité
peu souhaitable et amènent leurs supérieurs à se faire une piètre opinion de
leurs subordonnés. C’est pourquoi, dans les régions vraiment infestées de
bandits, les campagnes contre le banditisme sont si souvent menées par des
forces spéciales venues de l’extérieur. Les commerçants locaux passent
directement des accords avec les bandits pour éviter que leurs affaires soient
constamment perturbées. Il arrive que même les soldats et les policiers locaux
préfèrent maintenir le crime – à la suite d’accords tacites ou non avec les
bandits – dans des proportions qui ne sont pas susceptibles d’attirer l’attention
de la capitale, ce qui laisse les coudées franches au banditisme, car, à l’époque
préindustrielle, le gouvernement central n’observe pas la société rurale d’un
œil très vigilant, à moins que ses propres intérêts ne soient en cause.
    Passer des accords avec les bandits n’est pas cependant qu’une
obligation pour ceux qui détiennent la fortune et l’autorité locale ; c’est
également un avantage. En effet, dans les régions tenues par des propriétaires
terriens de type précapitaliste, la politique tourne autour des rivalités et
des rapports entre les familles dirigeantes, auxquelles il faut adjoindre leurs
partisans et leurs clients. Le pouvoir et l’influence d’un chef de famille
reposent, en dernière analyse, sur le nombre d’hommes dont il est le protecteur
et qui, dépendant de lui, lui montrent leur loyauté en combattant ou en votant
pour lui, ou en agissant en sa faveur dans tous les domaines qui assurent le
pouvoir local, c’est-à-dire en lui rendant les services qui permettent de
mesurer son prestige et son aptitude à se faire des alliés. Plus la région est
reculée et les autorités centrales lointaines, faibles ou indifférentes, et
plus, en matière de politique locale, cette aptitude d’un magnat ou d’un
gentilhomme à mobiliser « ses » gens est vitale. S’il dispose d’assez
de sabres, de fusils ou de votes, il n’est même pas nécessaire qu’il soit très
riche, tout au moins selon les critères des régions prospères et économiquement
développées. La richesse est utile, bien sûr, pour élargir la clientèle, mais à
condition qu’elle soit distribuée généreusement et même avec ostentation, pour
faire la preuve du statut du noble et de sa puissance en tant que protecteur. Par
ailleurs, il vaut mieux avoir une suite impressionnante que des compétences
financières quand on veut des terres et de l’argent, bien que le but de ce type
de politique ne soit pas l’accumulation de capital, mais le renforcement de l’influence
familiale. À vrai dire, ce genre de politique s’effondre quand la recherche de
la richesse et l’intérêt familial peuvent être dissociés et que l’une prend le
pas sur l’autre.
    Pareille

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