Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
d’écoute l’avaient parfaitement capté la première fois. Le renseignement britannique connaissait donc même le contenu du message avant le destinataire. »
Fin septembre, Hitler commença à se tourner vers l’est et son projet d’invasion de la Russie. La Luftwaffe avait certes perdu beaucoup d’hommes et d’appareils lors de la bataille d’Angleterre, mais sa campagne de bombardement ne s’interrompit pas pour autant.
Le Blitz débuta dans l’après-midi du 7 septembre 1940. Vivant dans la crainte, les Londoniens perçurent progressivement au loin un vrombissement sourd, s’apparentant au tonnerre et venant de l’est. C’est alors que 350 bombardiers allemands assombrirent l’horizon. La RAF, s’attendant à une attaque de ses bases, avait manqué les assaillants. En l’espace de quelques minutes, les avions allemands survolèrent les immenses docks et entrepôts de l’est de Londres. Lorsqu’ils larguèrent leurs bombes incendiaires, les entrepôts, remplis de sucre, mélasse et bois importés, se transformèrent un peu partout en brasiers jaunes.
Les raids diurnes ne devaient pas continuer, car trop d’avions allemands furent abattus en rentrant à leur base. Mais les bombardements nocturnes ne tardèrent pas à commencer. Et même si l’obscurité nuisait considérablement à la précision de la Luftwaffe, ces bombardements étaient dévastateurs, forçant la population à trouver refuge la nuit sous terre, dans les stations de métro. On peine encore aujourd’hui à réaliser le caractère implacable de l’opération, puisque , dans les mois qui suivirent, quelque 19 000 tonnes de bombes tombèrent sur la seule ville de Londres.
Mais cette violente attaque visant Londres s’accompagna d’une autre découverte capitale des cryptographes de Bletchley. Élément crucial, les Allemands envoyaient par radio des données concernant les faisceaux de navigation de leurs bombardiers (faisceaux censés leur permettre de garder le bon cap). Les Services Y interceptèrent ces signaux radio. Lorsqu’ils furent transmis à Bletchley, on attribua une nouvelle couleur de déchiffrement Enigma, marron, à cette section de la Luftwaffe.
Le personnel du baraquement 6 parvint rapidement à craquer ces messages. En l’espace de quelques jours, le ministère de l’Air se mit à recevoir des informations vitales sur les raids potentiels et le nombre de bombardiers impliqués. Grâce à Enigma, comme l’explique Oliver Lawn, le ministère de l’Air avait également les moyens nécessaires de « fausser » les faisceaux de navigation allemands et de causer ainsi des erreurs de largage des bombes. « Au début de la guerre, les Allemands se servaient de la machine Enigma pour diriger les bombardements des villes britanniques. L’avion suivait un faisceau et un autre faisceau venait le traverser. C’est sur ce point d’intersection qu’il larguait ses bombes, au-dessus du centre-ville.
« Un code fixait les angles des faisceaux. Et si l’on parvenait à craquer le code, des ingénieurs astucieux pouvaient fausser l’un des faisceaux afin que le point d’intersection se situe au-dessus de champs et non de villes. »
Bien entendu, Londres n’était pas la seule ville à endurer les attaques nocturnes. Des villes industrielles telles que Birmingham, Liverpool, Manchester et Glasgow s’attendaient à être frappées. Les informations fournies par Bletchley n’étaient jamais concluantes, mais permettaient d’identifier les escadrilles et les indicatifs et donc d’en déduire le nombre d’appareils. Cependant, en 1940, Bletchley n’était pas capable de déchiffrer dans les messages les noms des cibles. Pour y parvenir, il ne fallait pas une bombe cryptographique, mais un livre de codes secrets, car il était tout simplement impossible de deviner la signification des alias.
La guerre s’accompagna d’une nouvelle et terrible urgence. Déployer des troupes britanniques en terre étrangère était une chose, mais prendre pour cible les civils dans les grandes villes (autrement dit, la guerre totale), en était une autre. Si, à l’époque, on affirmait : « La Grande-Bretagne est capable d’encaisser ! », les véritables répercussions sur le moral des gens, surtout chez les habitants de l’East End de Londres, dont les maisons et les rues étaient frappées chaque nuit, étaient plus difficiles à évaluer.
Les psychologues du gouvernement britannique étaient
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