Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
avaient été déchiffrées, ils auraient instantanément complexifié leur code, le rendant ainsi potentiellement incassable.
Mais la théorie du sacrifice de Coventry omet des détails essentiels. Tout d’abord, Churchill avait déjà quitté Londres pour la campagne avant de recevoir le message. Lorsqu’il apprit que Londres pourrait être la cible d’un raid massif, sa voiture fit demi-tour pour revenir dans la capitale. Ce n’est que dans la soirée, une fois à Whitehall, qu’il reçut la confirmation de la cible : Coventry.
En outre, le brouillage des faisceaux de navigation fut exécuté sur la mauvaise fréquence, erreur qui ne fut corrigée que le mois suivant. Enfin, Coventry possédait bien une DCA mais, face à une telle attaque, de telles défenses restaient limitées. « Coventry n’aurait jamais pu être évacuée à temps », rappelle l’opératrice du Service Y de la WAAF Aileen Clayton. « Il aurait certainement été matériellement impossible de disposer de tous les canons et projecteurs nécessaires pour se défendre, ainsi que de rapatrier sur la cible les camions de pompiers et tout le matériel… Vu les informations dont nous disposions, il n’était pas possible d’éviter à la ville et à ses habitants toutes ces souffrances. »
Le centre de Coventry fut détruit par les incendies, le plomb en fusion des gouttières se déversant en sifflant en un véritable torrent, la cathédrale transformée en ruines d’un brun roux. 558 hommes, femmes et enfants trouvèrent la mort et l’on dénombra des milliers de blessés.
Cet événement hante encore aujourd’hui les anciens de Bletchley. Oliver Lawn, qui, il faut le rappeler, travaillait au déchiffrement des messages concernant les trajectoires des bombardiers allemands, estime qu’il subsiste des doutes sur le sujet :
On trouve des avis divergents sur la question. C’est bien caractéristique. D’autres villes ont eu la chance que les codes soient craqués à temps et que l’on puisse détourner le largage des bombes. Le cas de Coventry est encore sujet à controverse.
Le capitaine Frederick Winterbotham ne crut pas à un retard dans le déchiffrement du code. Il était présent l’après-midi où il est devenu évident que la ville allait être bombardée. Il écrivit qu’il était encore possible de prendre la décision de faire évacuer Coventry :
Il restait peut-être encore quatre ou cinq heures avant le début de l’attaque. Le vol par le nord était assez long et les avions ennemis ne survoleraient pas la côte avant la nuit. J’ai demandé au secrétaire personnel de Churchill s’il voulait bien me rappeler lorsque la décision serait prise car, s’il décidait de faire évacuer Coventry, la presse et tout le monde s’apercevraient que nous savions à l’avance qu’un raid allait se produire. Il faudrait alors prévoir des contremesures pour protéger la source, laquelle deviendrait suspecte.
J’imagine que le Premier ministre a dû consulter de nombreuses personnes avant de prendre sa décision. En tout cas, la RAF avait amplement le temps de mettre en place des contremesures, telles que brouiller les aides à la navigation des Allemands. En l’occurrence, on décida seulement d’avertir tous les services, les pompiers, les ambulances, la police, les préposés à la défense passive et de se préparer à l’allumage de faux incendies. C’est le genre de décision terrible qui se prend parfois au plus haut niveau pendant la guerre. Ce fut incontestablement la bonne.
Peut-être. Mais ce n’est pas la seule fois où l’on a soupçonné Churchill et Bletchley Park d’avoir été de connivence pour ne pas divulguer certaines informations. Des années après l’attaque surprise japonaise dévastatrice de la base américaine de Pearl Harbor, à Hawaï, en décembre 1941, laquelle entraîna l’entrée en guerre des États-Unis, certains ont laissé entendre que Bletchley Park, grâce à son travail sur le code japonais « Pourpre », avait déchiffré des messages cruciaux sur les intentions militaires nippones. Après avoir pris connaissance de ces renseignements, Churchill aurait ordonné de les supprimer afin que les Américains ne soient pas prévenus à l’avance et pour être certain que l’attaque entraîne les États-Unis dans le conflit.
En fait, le renseignement britannique anticipait une attaque contre la Malaisie occidentale. On ne subodorait aucune frappe
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