Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
extrêmement inquiets des effets potentiels d’une Blitzkrieg comparable à ce qu’avaient enduré l’Espagne et la Norvège sur les populations urbaines très importantes. Ils prédisaient une panique générale, ainsi qu’une violation de l’ordre public et la naissance d’une sorte de psychose collective. En fait, ces premiers raids de la Luftwaffe sur Londres avaient révélé tout autre chose, à savoir une défiance palpable face à ces amas de briques fumants et maisons en ruines. Mais Londres était une ville immense. Quelles seraient les réactions dans une communauté aux dimensions plus restreintes ?
La campagne de la RAF contre les villes allemandes s’intensifia. Cet automne-là, les bombardiers britanniques visèrent Munich et les usines d’armement d’Essen. Ils bombardèrent également Hambourg. En guise de réponse, les bombardiers allemands commencèrent à errer dans le ciel britannique, avec un rayon d’action plus large. Et, en novembre 1940, un raid en particulier fit naître une théorie du complot impliquant Bletchley Park, encore active aujourd’hui.
Selon les rapports de « fin de guerre » de Bletchley, le scénario était le suivant : grâce à un code Enigma marron du 11 novembre 1940, le Park put informer le service de renseignement de l’armée de l’air qu’un raid très violent se préparait, dont le nom de code était « Sonate au clair de lune ». Ce nom de code avait apparemment été choisi car l’opération devait se dérouler à la pleine lune. Les avions allemands devaient être dirigés par des faisceaux de navigation. On avait dénombré quatre cibles potentielles, chacune avec un nom de code, dont notamment « Korn ».
Très peu de temps auparavant, un prisonnier avait révélé lors d’un interrogatoire qu’un raid intensif était prévu sur Birmingham ou Coventry. Le 12 novembre, un code Enigma marron fournit une position des faisceaux de navigation laissant penser que trois des cibles potentielles étaient les villes industrielles des Midlands de Birmingham, Wolverhampton et Coventry. Ce raid devait probablement avoir lieu le 15.
Forts de ces informations glanées par Bletchley, les services de renseignement de l’armée de l’air indiquèrent au Premier ministre dans la matinée du 14 que la cible pouvait être Londres, vu l’ampleur du raid programmé, Coventry ou bien Birmingham. Après tout, personne ne pouvait savoir ce que signifiait le nom de code « Korn ». Les deux villes des Midlands pouvaient être visées car elles renfermaient de nombreuses usines directement impliquées dans l’effort de guerre. Dans le cas de Coventry, nombre de ces usines étaient implantées à proximité du centre-ville. Par une nuit de pleine lune, c’étaient des cibles offertes.
Ce jour-là, vers 15 heures, une transmission radio confirma que Coventry allait être bombardée dans la nuit.
C’est là que démarre la théorie du complot. Comment se fait-il que les habitants de Coventry n’aient pas été avertis ? Pourquoi n’a-t-on pas essayé d’arrêter une opération qui entraîna le largage de milliers de bombes incendiaires et de tonnes de puissants explosifs, causant un gigantesque incendie qui détruisit presque tout dans un rayon de 400 mètres, même la cathédrale ? Autrement dit, pourquoi a-t-on sacrifié la vieille ville de Coventry ?
Aux yeux des partisans de la théorie du complot, la raison est la suivante : si l’on avait détourné le bombardement en sabotant les faisceaux de navigation ou en défendant la ville avec des chasseurs de la RAF, Churchill aurait révélé aux Allemands qu’il avait accès à leurs messages les plus secrets. Selon cette théorie, le Premier ministre se retrouva donc face à un cruel dilemme en ce 14 novembre. Fort de sa connaissance de l’opération ennemie à venir, pouvait-il ordonner que l’on protège Coventry, au risque que les Allemands se doutent que leurs messages avaient été déchiffrés ? Ou devait-il laisser la ville se faire martyriser afin que Bletchley demeure invisible ?
En fait, tout le raisonnement est erroné, mais il révèle néanmoins une vérité plus large sur la mission menée à Bletchley. Dès qu’Enigma fut craquée, il devint plus que jamais vital que les Allemands ne soupçonnent jamais la découverte britannique. Comme de nombreux anciens l’ont souligné, si les services de renseignement allemands s’étaient doutés que leurs communications
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