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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dan Franck
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poser.
    — Et moi ne pas y répondre.
    — Alors faites votre travail. »
    Le juge inspire pour dominer l’irritation que provoque en lui cette marque d’autorité déplacée. Il dit :
    « Nous étions arrivés à Nîmes après votre échappée du train. Vous souvenez-vous ?
    — Evidemment.
    — A Nîmes, ou dans les environs de Nîmes, vous voyez donc vos contacts de l’Armée secrète et la personne qui s’occupe de votre affaire de motoculture.
    — Je l’ai déjà dit.
    — Quelqu’un était-il prévenu de ce voyage ? »
    Hardy se tend légèrement sur sa chaise. Cette interrogation, apparemment banale, revêt de multiples dangers. Lui a-t-on déjà posé la question ? Qu’a-t-il dit ? S’il a répondu par l’affirmative et qu’il prétend aujourd’hui le contraire, on décèlera un mensonge. Même chose dans le sens inverse. S’il donne une réponse positive,on lui demandera un nom. Ou deux. Il ouvrira une piste dont il s’efforce de mesurer, à la vitesse de la lumière, où elle le mènera.
    « Alors ? » insiste le juge.
    Il sait par quels cheminements mentaux passe son vis-à-vis. Il sait aussi qu’il est dans un état proche de celui de l’animal poursuivi, paniqué devant deux voies possibles dont l’une conduit à l’impasse.
    « Alors ? »
    Hardy réfléchit, très concentré. De temps à autre, il lance un coup d’œil à son interlocuteur.
    « J’essaie de me souvenir. »
    En effet, pense le juge. Mais il n’essaie pas de se souvenir à qui il a parlé avant de descendre à Nîmes. Cela, il le sait. Et le juge aussi. Il suit le fil d’un raisonnement, essayant de le conduire le plus loin possible dans deux cas de figure : s’il dit oui, s’il dit non.
    Finalement, il dit non. Il dit qu’il n’a prévenu personne de son voyage à Nîmes.
    « Vous affirmez donc que de Chalon vous vous êtes rendu directement à Nîmes ?
    — Affirmatif, répond Hardy.
    — Sans passer par Lyon ?
    — Sans passer par Lyon.
    — Personne ne savait que vous étiez à Nîmes ?
    — Personne.
    — Vous mentez », lâche le juge avec un sourire sec.
    Il attend que le greffier ait tapé cette partie de la déposition pour ajouter :
    « Barrès était prévenu. »
    Hardy feint de s’enfoncer de nouveau dans ses réflexions. Mais le juge ne le lâche pas.
    « Vous le lui avez dit.
    — Quand ?
    — Le 11 juin au matin. »
    Hardy dodeline de la tête en considérant le juge avec une sorte de dédain amusé. Et le juge l’observe avec la même expression. Ils savent tous deux qu’ils sont désormais au cœur du mensonge. Cette question a déjà été débattue trois ans auparavant, au moment de la première arrestation. La justice, alors, a perdu la manche : Hardy a été acquitté. Cette fois, le magistrat ne se laissera pas manœuvrer : il dispose d’une pièce supplémentaire. L’autre ne la connaît pas.
    « Je n’ai pas été arrêté à Chalon », répète Hardy en détachant chacune des syllabes de sa phrase.
    Il se tourne vers le greffier :
    « Notez cela, exactement cela : j’ai sauté du train avant la gare de Chalon. Tout le reste est élucubration.
    — Reprenons, suggère le juge après que ce point de la déposition a été noté sur le procès-verbal. Admettons que nous soyons les mêmes, dans le même bureau, en décembre 1944.
    — Vous avez du temps à perdre !
    — Perdons-le ensemble.
    — Je n’ai pas vraiment le choix, lance René Hardy en montrant ses poignets pourtant désentravés.
    — Vous êtes en effet monté dans le train de nuit pour Paris, vous avez en effet repéré Multon et Moog, vous étiez en effet dans un compartiment et eux dans celui d’à côté. Quand je vous ai posé la question de savoir pourquoi vous n’aviez pas sauté longtemps avant Chalon, c’est-à-dire pourquoi, vous sachant repéré, vous aviez attendu trois heures avant de fuir, vous m’avez parlé de la vitesse du train…
    — Je maintiens, confirme Hardy.
    — Après, vous vous êtes caché dans les herbes et vous êtes monté dans un convoi qui descendait sur Nîmes.
    — Exact.
    — Sans passer par Lyon ?
    — J’ai déjà répondu à cette question. »
    Le juge se lève, ouvre l’armoire, feint de chercher un dossier. Il en sort un qui n’a aucunrapport avec le point traité. Il agit ainsi sachant que Hardy ne le quitte pas des yeux, qu’il ne perd rien de ses mouvements, redoutant de voir apparaître une pièce

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