Les chasseurs de mammouths
plus léger, comme si un pesant fardeau s’était dissipé. Le froid
semblait moins intense, bien que rien n’eût visiblement changé. La glace était
toujours aussi solide, la neige toujours poussée par le vent en minuscules
projectiles.
Elle avait décelé de subtiles différences. La température s’était
élevée, le vent soufflait avec moins de violence. On aurait pu parler d’intuition,
d’impression, mais il s’agissait en réalité d’une sensibilité aiguë. Pour des
gens qui vivaient sous des climats où régnait un froid extrême, la plus infime
différence dans la rigueur des conditions atmosphériques attirait l’attention
et se voyait souvent accueillie par un déploiement d’exubérance. Ce n’était pas
encore le printemps, mais l’impitoyable étreinte d’un froid accablant s’était
un peu desserrée. Ce réchauffement presque imperceptible apportait avec lui l’assurance
que la vie allait renaître.
Ayla sourit en voyant le jeune étalon partir en caracolant, l’encolure
fièrement arquée, la queue toute droite. Elle considérait encore Rapide comme
le petit qu’elle avait aidé à mettre au monde, mais ce n’était plus un jeune
poulain. S’il n’avait pas encore atteint son poids adulte, il était déjà plus
grand que sa mère, et c’était un véritable cheval de course. Il aimait courir,
il filait comme le vent. Pourtant, il existait une différence entre les
chevaux. Sur une courte distance, Rapide courait invariablement plus vite que
sa mère, il la distançait aisément dès le départ. Mais Whinney avait plus d’endurance.
Elle pouvait galoper plus longtemps et, sur un long parcours elle rattrapait
invariablement son fils, le dépassait et poursuivait sa course à la même allure
régulière.
Ayla mit pied à terre mais s’immobilisa un instant avant d’écarter
le rabat pour entrer dans l’habitation. Il lui était fréquemment arrivé d’utiliser
les chevaux comme prétexte pour s’échapper, mais ce matin là, elle avait
constaté avec un soulagement particulier que le temps se prêtait à une longue
course. Certes, elle était heureuse d’avoir retrouvé un groupe humain, d’y
avoir été accueillie, de pouvoir participer à ses activités, mais il lui
arrivait d’éprouver le besoin d’être seule. C’était surtout vrai quand
certaines incertitudes, certains malentendus qui n’avaient pas trouvé de
solution accentuaient les tensions.
Depuis quelque temps, Fralie passait une grande partie de son
temps au Foyer du Mammouth, avec les jeunes gens et les jeunes filles du Camp,
au grand désespoir de Frébec. Ayla avait surpris, en provenance du Foyer de la
Grue, des discussions ou plutôt des diatribes de Frébec qui se plaignait de l’absence
de Fralie. Il n’aimait pas, elle le savait, voir sa compagne se lier trop
étroitement avec elle et elle était sûre que la jeune femme enceinte, pour
avoir la paix, se tiendrait davantage à l’écart. Cela inquiétait Ayla, d’autant
que Fralie lui avait récemment confié qu’elle avait uriné du sang. Ayla l’avait
informée qu’elle risquait de perdre son enfant si elle ne se reposait pas. Elle
lui avait promis un remède, mais il allait être maintenant plus difficile de la
traiter si Frébec surveillait tout de son air désapprobateur.
Outre cette inquiétude, planait l’indécision d’Ayla à propos de
Jondalar et de Ranec. Jondalar, depuis quelques jours, semblait redevenir
lui-même. Mamut lui avait demandé de venir le voir au sujet d’un instrument
particulier dont il avait eu l’idée, mais, le jour en question, le chaman avait
été très occupé : c’était seulement vers le soir, à l’heure où, généralement,
les jeunes gens se réunissaient au Foyer du Mammouth, qu’il avait eu le temps
de parler de son projet. Les deux hommes s’étaient installés dans un coin
tranquille, entourés par les rires et les plaisanteries habituels.
Ranec était plus attentionné que jamais. Depuis quelque temps,
sous couvert de badinage, il pressait Ayla de revenir partager son lit. Elle
éprouvait encore quelques difficultés à refuser tout de go : on lui avait
trop fortement inculqué l’obéissance aux désirs d’un homme pour qu’elle pût s’en
débarrasser facilement. Elle riait de ses saillies – elle comprenait
de mieux en mieux l’humour et même les intentions plus sérieuses qu’il masquait
parfois – mais elle éludait habilement ses invitations tacites, ce
qui
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