Les chasseurs de mammouths
déclenchait une hilarité générale aux dépens de Ranec. Il riait, lui aussi,
comme s’il prenait plaisir à ses répliques spirituelles, et elle était attirée
par son attitude amicale. Elle se sentait à l’aise en sa compagnie.
Mamut remarqua le sourire de Jondalar et hocha la tête d’un air
approbateur. Le tailleur de silex avait évité la réunion des jeunes, il les
avait observés de loin, et les rires n’avaient fait qu’exaspérer sa jalousie.
Il ignorait que ces rires étaient souvent déclenchés par le refus qu’opposait
Ayla aux propositions de Ranec, Mamut, lui le savait.
Le lendemain, pour la première fois depuis trop longtemps,
Jondalar sourit à la jeune femme. Elle sentit son souffle s’étrangler dans sa
gorge, son cœur accéléra ses battements. Durant les quelques jours qui
suivirent, il se mit à revenir plus tôt au foyer, sans toujours attendre qu’elle
fût endormie. Elle n’osait pas s’imposer à lui, et il paraissait hésiter encore
à l’approcher, mais elle se prenait à espérer qu’il commençait à surmonter ce
qui l’avait tourmenté. Pourtant, elle avait peur de se laisser aller à cet
espoir...
Ayla reprit longuement son souffle, écarta le lourd rabat et le
retint pour livrer passage aux chevaux. Après avoir secoué sa pelisse et l’avoir
accrochée à une cheville, elle pénétra dans l’habitation. Pour une fois, le
Foyer du Mammouth était presque désert. Jondalar et Mamut s’y trouvaient seuls,
en grande conversation. La jeune femme fut heureuse, mais surprise, de voir son
compagnon et, du coup, prit conscience qu’elle l’avait très peu vu, ces derniers
temps. Elle sourit, se hâta vers les deux hommes, mais la grimace renfrognée de
Jondalar effaça son sourire. Il ne semblait pas heureux de son arrivée.
— Tu es restée dehors toute la matinée seule !
Lâcha-t-il. Ne sais-tu pas qu’il est dangereux de sortir seule ? Tu
inquiètes tout le monde. Bientôt quelqu’un aurait dû partir à ta recherche.
Il ne disait pas que cette inquiétude avait été la sienne, que c’était
lui qui avait été sur le point de se mettre à sa recherche.
Devant cette véhémence, Ayla recula.
— Je n’étais pas seule. J’étais avec Whinney et Rapide. Je
les ai emmenés courir un peu. Ils en avaient besoin.
— Eh bien, tu n’aurais pas dû sortir par ce froid. Il est
dangereux de sortir seule, répéta-t-il sans grande conviction.
En même temps, il lançait un coup d’œil à Mamut, dans l’espoir d’obtenir
son appui.
— Je t’ai dit que je n’étais pas seule. J’étais avec les
chevaux. Et il fait beau, dehors : il y a du soleil, et il fait moins
froid.
La colère de Jondalar agaçait Ayla. Elle ne comprenait pas que
cette colère dissimulait une peur presque intolérable pour sa sécurité.
— Il m’est déjà arrivé de sortir seule en hiver, Jondalar.
Qui m’accompagnait, à ton avis, quand je vivais dans ma vallée ?
Elle a raison, pensait-il. Je ne devrais pas m’obstiner à
vouloir lui dire quand elle peut sortir et où elle peut aller. Mamut n’a pas
paru trop soucieux quand il m’a demandé où était Ayla, et elle est la fille de
son Foyer. J’aurais dû me fier davantage au vieux chaman, se disait Jondalar.
Il se sentait stupide, comme s’il avait fait une scène pour rien.
— Bon... peut-être devrais-je aller voir comment vont les
chevaux, marmonna-t-il.
Il battit en retraite, se hâta vers le foyer des chevaux.
Ayla le suivait des yeux. Pensait-il donc qu’elle ne se souciait
pas des animaux ? se demandait-elle. Elle se sentait déconcertée,
bouleversée. Il devenait impossible, semblait-il de comprendre Jondalar.
Mamut observait ses réactions. Sa souffrance, sa détresse
étaient claires. Pourquoi les êtres avaient-ils tant de mal à cerner leurs
problèmes ? Il avait envie de les mettre face à face, afin de les obliger
à voir ce qui paraissait l’évidence pour tous ceux qui les entouraient, mais il
résista à cette impulsion. Il avait déjà fait tout ce qu’il pensait pouvoir
faire. Dès le début, il avait perçu chez l’homme de Zelandonii une tension
sous-jacente et il était convaincu que l’obstacle était moins évident qu’il n’y
semblait. Mieux valait les laisser trouver eux-mêmes la solution. Toutefois, il
pouvait encourager Ayla à lui parler des difficultés ou, au moins, l’aider à
découvrir les choix qui se présentaient à elle, à reconnaître ses
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