Les chasseurs de mammouths
l’enfant,
elle se sentait submergée par les souvenirs. Elle éprouvait le désir douloureux
de tenir son fils dans ses bras, elle ressentait de nouveau le chagrin d’avoir
perdu Iza, qui l’avait recueillie et l’avait élevée avec tendresse, bien qu’elle
fût aussi différente du Clan que l’était Rydag du Camp du Lion. Plus que tout,
elle aurait voulu expliquer à Nezzie à quel point elle était émue, combien elle
lui était reconnaissante, pour Rydag et... pour elle-même. Inexplicablement,
elle avait l’impression qu’elle manifesterait sa gratitude envers Iza si elle
trouvait le moyen de faire quelque chose pour Nezzie.
— Nezzie, il sait, dit Ayla à voix basse. Lui pas animal,
pas Tête Plate. Il est enfant du Clan et enfant des Autres.
— Je sais que ce n’est pas un animal, Ayla, répondit
Nezzie. Mais le Clan, qu’est-ce que c’est ?
— Est gens comme mère de Rydag, expliqua la jeune femme.
Vous dites Têtes Plates, eux disent Clan.
— Comment ça, « ils disent Clan » ?
intervint Tulie. Ils ne savent pas parler.
— Disent pas beaucoup de mots. Mais parlent. Parlent avec
mains.
— Comment le sais-tu ? questionna Frébec. D’où te
vient cette science ?
Jondalar, dans l’attente de la réponse d’Ayla, retint son
souffle.
— Vivais avec Clan avant. Parle comme Clan. Pas avec mots,
avant arrivée de Jondalar. Clan était mon peuple.
Quand le sens de ses paroles pénétra les esprits, il se fit un
silence abasourdi.
— Tu veux dire que tu vivais avec des Têtes Plates ?
Tu vivais avec ces répugnants animaux ? s’exclama Frébec avec dégoût.
Il se leva d’un bond, recula de quelques pas.
— Pas étonnant qu’elle parle si mal. Si elle a vécu avec
eux, elle est aussi répugnante qu’eux. Tous des animaux, ces gens-là, y compris
cette petite horreur à laquelle tu tiens tant, Nezzie.
Le Camp tout entier était en effervescence. Certains auraient
peut-être été de l’avis de Frébec, mais il était allé trop loin. Il avait
dépassé les limites de la courtoisie due à tout visiteur, il était allé jusqu’à
insulter la compagne de Celui Qui Ordonne. Mais, depuis longtemps, il était
gêné d’appartenir au Camp qui avait recueilli « ce monstre d’esprits
mêlés ». En même temps, il était encore irrité par les paroles acerbes
décochées par la mère de Fralie au cours de leur récente querelle. Il avait
besoin de passer son exaspération sur quelqu’un.
Dans un rugissement, Talut se lança à la défense de Nezzie et d’Ayla.
Tulie ne perdit pas un instant pour soutenir l’honneur du Camp. Crozie, avec un
sourire malicieux, tantôt haranguait Frébec, tantôt faisait les gros yeux à
Fralie. Les autres exprimaient leurs opinions à haute et intelligible voix. Le
regard d’Ayla allait de l’un à l’autre. Elle avait envie de se boucher les
oreilles pour ne plus les entendre.
Tout à coup, la voix retentissante de Talut réclama le silence.
Devant cet éclat, tout le monde se tut. On entendit alors le tambour de Mamut,
et le son produisit un effet apaisant.
— Avant que quelqu’un reprenne la parole, nous devrions
entendre, je crois, ce que peut nous dire Ayla, dit Talut, quand le battement
cessa.
Les gens se penchèrent en avant dans une posture attentive. Ils
étaient tout disposés à apprendre ce qu’était cette femme mystérieuse.
Ayla n’était pas convaincue de vouloir en dire davantage à ces
êtres bruyants et grossiers mais, elle le savait, elle n’avait pas le choix.
Elle releva le menton. S’ils tenaient à tout entendre, se dit-elle, ils
allaient être satisfaits, mais elle partirait dès le lendemain matin.
— Je... ne pas... Pas souvenirs de première jeunesse,
commença-t-elle. Seulement tremblement de terre et lion des cavernes qui fait
marques sur jambe. Iza dit trouver moi près rivière... Quel mot, Mamut ?
Pas en éveil ?
— Inconsciente.
— Iza trouver moi près rivière, inconsciente. Je être près
âge Rydag, plus jeune. Peut-être cinq années. Blessée sur jambe par griffes
lion des cavernes. Iza est... guérisseuse. Soigne jambe. Creb... Creb est
mog-ur... comme Mamut... homme sage... connaît monde esprits. Creb apprend moi
parler comme Clan. Iza et Creb... tout Clan... prennent soin. Je pas Clan, mais
prennent soin.
Ayla faisait un grand effort pour se rappeler tout ce que lui
avait dit Jondalar du langage de ces gens. Elle n’avait pas apprécié la
remarque de
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