Les chasseurs de mammouths
le jeune animal paraissait
comprendre que l’enfant réclamait une attention et des précautions
particulières.
Dès le début, Loup s’était montré moins remuant, plus doux, avec
Rydag, et, à sa manière de tout jeune animal, lui avait accordé sa protection.
Mise à part Ayla, c’était le compagnon que préférait le louveteau. Si Ayla
était occupée, il cherchait Rydag, et on le retrouvait fréquemment endormi près
de lui ou sur son lit. La jeune femme elle-même ne savait pas précisément
comment Rydag et Loup en étaient venus à si bien se comprendre. Le don inné de
l’enfant pour déchiffrer les nuances les plus subtiles dans les signaux de l’animal
pouvait expliquer les possibilités de Rydag, mais comment un tout jeune
louveteau pouvait-il connaître les besoins d’un petit humain de santé
fragile ?
Pour dresser le louveteau, Ayla inventa des signaux de loup
modifiés en même temps que d’autres commandements. La première leçon, après
plusieurs incidents, consista à apprendre l’usage d’un panier de crottin et de
cendre ou bien d’aller dehors. Ce fut étonnamment facile : Loup, quand il
faisait des saletés, semblait confus et il se faisait tout petit quand la jeune
femme le grondait. La leçon suivante fut plus difficile.
Loup adorait mâchonner du cuir, surtout celui des bottes et des
chaussures. Le défaire de cette habitude se révéla une expérience ennuyeuse et
irritante. Toutes les fois qu’elle le prenait en faute et le semonçait, il se
montrait contrit, profondément désireux de lui complaire, mais il était
obstiné : il revenait sans cesse à son péché, parfois dès qu’elle avait le
dos tourné. Tout ce qui servait à se chausser était en danger, en particulier
les chaussons en peau souple que préférait Ayla. Il ne pouvait apparemment s’en
passer. Elle devait les suspendre assez haut pour les mettre hors d’atteinte,
afin de ne pas les voir réduits en lambeaux. Toutefois, si elle n’aimait pas qu’il
s’en prenne à ses propres affaires, elle était encore plus fâchée quand il
détruisait ce qui appartenait à quelqu’un d’autre. C’était elle qui l’avait
amené. Tous les dommages qu’il pouvait commettre relevaient de sa propre
responsabilité.
Ayla cousait les dernières perles sur la tunique de cuir
blanc lorsqu’elle entendit des éclats de voix qui parvenaient du Foyer du
Renard.
— Hé, toi ! Donne-moi ça ! criait Ranec.
Elle comprit qu’une fois de plus, Loup avait fait une sottise.
Elle courut voir ce qui se passait, se trouva devant Ranec et Loup qui
tiraient, chacun de son côté, sur une botte usagée.
— Loup ! A terre ! ordonna-t-elle.
Elle abattit la main en un geste rapide qui évita de peu le nez
de l’animal. Immédiatement le louveteau lâcha sa proie, s’aplatit sur le sol,
les oreilles légèrement couchées en arrière, la queue basse, et gémit
plaintivement. Ranec remit sa botte sur la plate-forme.
— Il ne l’a pas trop abîmée, j’espère, dit Ayla.
— Ça n’a pas d’importance. Cette botte est déjà vieille,
répondit Ranec en souriant.
Il ajouta, d’un air admiratif :
— Tu connais vraiment bien les loups, Ayla. Il fait tout ce
que tu lui commandes.
— Seulement quand je suis sur place pour le surveiller.
Elle baissa les yeux sur le louveteau. Loup l’observait, le
corps tout frétillant d’attente.
— Dès que j’aurai le dos tourné, il ira chercher autre
chose, même s’il sait qu’il n’a pas le droit d’y toucher. S’il me voit arriver,
il le lâchera tout de suite, mais je ne sais comment m’y prendre pour l’empêcher
de fourrager dans les affaires de tout le monde.
— Peut-être lui faudrait-il quelque chose qui soit bien à
lui, suggéra Ranec.
Il posait sur elle ses doux yeux d’un noir lustré.
— Ou quelque chose qui t’appartienne à toi.
Le petit loup rampait vers elle, gémissait pour attirer son
attention. Finalement, à bout de patience, il poussa quelques jappements aigus.
— Reste ici ! Sans bouger ! ordonna-t-elle,
exaspérée.
Il s’affaissa sur ses pattes allongées, les yeux levés vers
elle, totalement accablé.
Après l’avoir observé un instant, Ranec dit à Ayla :
— Il ne peut supporter de te voir fâchée contre lui. Il a
besoin de savoir que tu l’aimes. Je crois comprendre ce qu’il éprouve.
Il se rapprocha d’elle. Les yeux sombres exprimaient la chaleur,
l’amour qui l’avaient si profondément
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