Les chasseurs de mammouths
estomac était dur comme une pierre.
Ranec m’aime et il désire que je l’aime. Il est gentil, drôle, il me fait
toujours rire... et il m’aime. Mais moi, je ne l’aime pas. Je voudrais bien l’aimer...
je devrais peut-être essayer.
— Oui, Ranec, j’y penserai, dit-elle à voix basse. Mais sa
gorge se serrait douloureusement.
Jondalar regarda Ranec quitter le Foyer du Mammouth. Le grand
jeune homme blond était venu espionner, bien qu’il se le reprochât. Il n’était
pas de mise, pour des adultes dans ce Camp ou parmi son peuple, de suivre du
regard ou de s’occuper indûment des activités d’une autre personne, et Jondalar
avait toujours témoigné d’un respect particulier pour les conventions sociales.
Cette fois, pourtant, il ne pouvait s’empêcher de les enfreindre. Il essayait
de le cacher, mais constamment il épiait Ranec et Ayla.
Le pas léger du sculpteur, son sourire ravi, tandis qu’il
regagnait le Foyer du renard, emplissait d’appréhension le visiteur. Si le
Mamutoï était si joyeux, c’était certainement parce que Ayla avait dit ou fait
quelque chose. Et son imagination morbide redoutait le pire.
Ranec, Jondalar le savait, était devenu un visiteur assidu
depuis que lui-même avait quitté le Foyer du Mammouth. Il s’en voulait de lui
en avoir fourni l’occasion. Il aurait aimé revenir sur tout ce qu’il avait dit,
sur toute la ridicule discussion, mais il était convaincu qu’il était
maintenant trop tard pour réparer. Il se sentait désarmé, mais, en même temps,
c’était un soulagement d’avoir mis une certaine distance entre Ayla et lui.
Même s’il ne voulait pas se l’avouer, son comportement ne venait
pas seulement du désir de lui laisser choisir l’homme qu’elle préférait. Il
avait été si profondément blessé qu’une partie de lui-même voulait blesser en
retour. Si Ayla était capable de le rejeter, il pouvait la rejeter à son tour.
Mais, en même temps, il éprouvait le besoin de se donner la possibilité d’un
choix, lui aussi, de voir s’il était capable d’oublier son amour pour elle. Il
se demandait sincèrement s’il ne serait pas préférable pour Ayla de rester en
ces lieux, où elle était acceptée, aimée, plutôt que de l’accompagner quand il
partirait rejoindre son peuple. Il redoutait sa propre réaction, si ce peuple
rejetait sa compagne. Serait-il prêt à mener avec elle une existence de
bannis ? Serait-il prêt à repartir, à quitter de nouveau les siens,
surtout après avoir accompli un si long voyage pour les rejoindre ? Ou
bien la rejetterait-il, lui aussi ?
Si elle choisissait d’aimer un autre homme, il serait bien
obligé de la laisser derrière lui et il n’aurait pas à prendre une telle
décision. Mais la seule idée qu’elle pût aimer quelqu’un d’autre lui causait
une souffrance si intolérable qu’il se demandait s’il pourrait y survivre ou
même s’il le désirerait. Plus il luttait contre lui-même pour ne pas révéler
son amour, plus il devenait jaloux et possessif et plus il se haïssait. Le
tourment que faisaient naître en lui ses efforts pour démêler les émotions
violentes et complexes qui l’agitaient commençait à laisser des traces. Il ne
pouvait ni manger, ni dormir, il maigrissait, s’affaiblissait. Ses vêtements
pendaient sur son corps efflanqué. Incapable de se concentrer, même sur un
magnifique morceau de silex, il lui arrivait de se demander s’il était en train
de perdre la raison ou s’il était possédé de quelque funeste esprit de la nuit.
Déchiré comme il l’était par son amour pour Ayla, la douleur de risquer de la
perdre, la crainte de ce qui pourrait arriver s’il ne lui laissait pas sa
liberté, il ne supportait plus de se trouver trop près d’elle. Il craignait de
perdre tout sang-froid, de commettre un acte regrettable. Mais il ne pouvait s’empêcher
de l’épier constamment.
Le Camp du Lion se montrait indulgent à l’égard de l’indiscrétion
de son visiteur. Tout le monde était au courant de ses sentiments pour Ayla, en
dépit de ses efforts pour les dissimuler. Chacun, dans le Camp, parlait de la
douloureuse épreuve que traversaient les trois jeunes gens. La solution à leur
problème paraissait toute simple à ceux qui le considéraient de l’extérieur. De
toute évidence, Ayla et Jondalar s’aimaient. Alors, pourquoi ne se l’avouaient-ils
pas, avant d’inviter Ranec à partager leur Union ? Mais Nezzie sentait
bien
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