Les chasseurs de mammouths
que ce n’était pas aussi simple. Cette femme avisée, maternelle avait
conscience que l’amour de Jondalar était trop violent pour être bridé par l’incapacité
à trouver les mots pour l’exprimer. Quelque chose de plus puissant s’interposait
entre eux. Par ailleurs, Nezzie, plus que quiconque, comprenait la profondeur
de l’amour de Ranec pour Ayla. A son avis, une telle situation ne pouvait se
résoudre par une Union partagée.
Ayla devait faire son choix.
Comme si l’idée même détenait un pouvoir irrésistible, Ayla,
depuis le moment où Ranec lui avait demandé de réfléchir à la possibilité de
partager son foyer et avait souligné le fait évident, douloureux, qu’elle
dormait maintenant seule, ne pouvait plus penser à autre chose. Elle s’était
accrochée à la conviction que Jondalar oublierait leurs paroles trop dures, qu’il
reviendrait. Il lui semblait à chaque coup d’œil lancé vers le premier foyer qu’elle
le voyait, entre les poteaux de soutènement et les objets accrochés au plafond
dans les foyers intermédiaires, se détourner vivement. Il s’intéressait donc
encore assez à elle, se disait-elle, pour regarder dans sa direction. Mais
chaque nuit qu’elle passait seule réduisait son espoir.
« Penses-y... ». Les paroles de Ranec se répétaient
dans l’esprit d’Ayla, tandis qu’elle pilait des feuilles séchées de bardane et
de fougère, destinées à une infusion pour l’arthrite de Mamut. Elle songeait au
sourire de l’homme à la peau sombre, se demandait si elle pourrait apprendre à
l’aimer. Mais l’idée d’une vie sans Jondalar lui laissait au creux de l’estomac
un vide douloureux. Elle ajouta aux feuilles pilées un peu de gaulthérie
fraîche et de l’eau chaude, apporta la tisane au vieil homme.
Elle sourit à ses remerciements, mais elle paraissait triste,
préoccupée. Tout au long de la journée, elle avait eu la tête ailleurs. Depuis
que Jondalar avait quitté le foyer, elle n’était pas dans son assiette, Mamut
le savait, et il aurait voulu pouvoir l’aider. Il avait vu Ranec s’entretenir
avec elle et il se demandait s’il devait en parler à Ayla, mais il croyait que
rien ne se produisait dans la vie d’Ayla sans un but précis. La Mère, il en
était convaincu, avait une bonne raison pour susciter les difficultés
présentes. Il hésitait donc à intervenir. Les épreuves imposées à Ayla et aux
deux hommes étaient nécessaires.
Il la regarda passer dans l’abri des chevaux, la vit revenir un
moment après.
La jeune femme couvrit le feu, regagna sa plate-forme de
couchage, se dévêtit, se prépara à dormir. Affronter la nuit en sachant que
Jondalar ne viendrait pas dormir auprès d’elle était un supplice. Elle s’affaira
à de petites tâches pour retarder le moment où elle se glisserait dans ses
fourrures, avec la certitude de rester éveillée une bonne moitié de la nuit.
Finalement, elle souleva le petit loup, s’assit avec lui au bord de sa couche,
le câlina, le caressa, parla au jeune animal chaud et affectueux, jusqu’au
moment où il s’endormit entre ses bras. Elle le remit alors dans son panier.
Pour compenser l’absence de Jondalar, Ayla prodiguait son amour
au louveteau.
Mamut prit conscience qu’il était éveillé et ouvrit les yeux. Il
distinguait à peine des formes vagues dans la pénombre. L’habitation était
silencieuse, de ce silence nocturne peuplé seulement de légers frémissements,
de lourdes respirations et de sourds borborygmes du sommeil. Lentement, Mamut
tourna la tête vers le faible rougeoiement des cendres dans le trou à feu. Il
cherchait à découvrir ce qui l’avait arraché à un sommeil profond. Il entendit
tout près du souffle haletant, un sanglot étouffé. Le vieil homme, alors,
repoussa ses couvertures.
— Ayla ? Ayla, tu souffres, demanda-t-il à voix basse.
Elle sentit sur son bras une main tiède.
— Non, répondit-elle.
Le mot s’étrangla dans sa gorge. Elle gardait le visage tourné
vers le mur.
— Tu pleures.
— Je te demande pardon de t’avoir réveillé. J’aurais dû
faire moins de bruit.
— Tu ne faisais pas de bruit. Ce n’est pas cela qui m’a
réveillé, mais le besoin que tu avais de moi. La Mère m’a envoyé vers toi. Tu
souffres. C’est un mal intérieur, n’est-ce pas ?
Ayla reprit péniblement son souffle, réprima le cri qui voulait
sortir de sa gorge.
— Oui.
Elle se retourna vers le chaman qui vit briller
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