Les chasseurs de mammouths
était passée
dans un monde attirant et magique, un peu inquiétant et parfaitement
mystérieux, celui des femmes. Son corps avait changé de forme, elle pouvait
éveiller dans le corps des garçons des émotions, des réactions inattendues,
incontrôlables, rien qu’en passant devant eux. Un regard d’elle suffisait à les
déconcerter.
Mais ils avaient entendu parler d’un phénomène plus intimidant
encore. Elle pouvait, sans être blessée, faire sortir du sang de son corps,
sans apparemment en souffrir, ce qui la mettait en quelque sorte en mesure d’absorber
en elle-même la magie de la Mère. Sans comprendre comment, ils savaient qu’un
jour elle mettrait au monde une vie nouvelle tirée de son propre corps. Un
jour, Latie produirait des enfants. Mais un homme devrait d’abord faire d’elle
une femme. Tel serait leur rôle... pas avec Latie, naturellement : elle
était pour eux une sœur, une cousine, une parente trop proche. Mais, un jour,
quand ils auraient acquis plus d’expérience, ils seraient peut-être choisis
pour s’acquitter de cette importante fonction. En effet, même si elle pouvait
saigner sans blessure, une fille était incapable de produire des enfants jusqu’à
ce qu’un homme eût fait d’elle une femme.
La prochaine Réunion d’Été apporterait des révélations aux deux
jeunes hommes, à Danug surtout, puisqu’il était l’aîné des deux. Aucune
contrainte ne s’exercerait sur eux, mais, lorsqu’ils seraient prêts, des
femmes, qui s’étaient vouées à la Mère pour une saison, accueilleraient les
jeunes gens, leur apporteraient l’expérience nécessaire, leur enseigneraient
les voies et les joies mystérieuses des femmes.
Tulie s’avança jusqu’au centre du groupe. Elle tenait haut le
Bâton Qui Parle et le secouait en attendant que tout le monde fasse silence.
Quand l’attention de tous se fut fixée sur elle, elle passa le bâton d’ivoire
décoré à Talut qui était en grande tenue jusqu’à sa coiffure ornée de défenses
de mammouth. Mamut apparut, vêtu d’une cape de cuir blanc, richement décorée.
Il tenait une tige de bois habilement conçue qui semblait faite d’une seule
pièce, mais une des extrémités était formée d’une branche sèche, nue, morte,
tandis que l’autre était couverte de bourgeons et de petites feuilles vertes.
Il la tendit à Tulie. En sa qualité de Femme Qui Ordonne, il lui appartenait d’ouvrir
la Fête du Printemps. Le printemps était la saison des femmes, l’époque des
naissances et d’une vie nouvelle, l’époque des recommencements. Elle prit la
tige double dans ses deux mains, l’éleva au-dessus de sa tête, s’immobilisa un
instant, afin de laisser à son geste le temps de produire tout son effet. Après
quoi, d’un mouvement brusque, elle abattit la tige sur son genou, la brisa en
deux parties, pour symboliser la fin de l’année écoulée et le début de l’année
nouvelle. C’était le signe qui annonçait le début des cérémonies de la soirée.
— Au cours du dernier cycle, commença Tulie, la Mère nous a
comblés de Ses faveurs. Nous avons tant de bienfaits à célébrer qu’il nous sera
malaisé de choisir l’événement le plus significatif pour marquer la place de l’année
parmi les autres. Ayla a été adoptée par les Mamutoï, et nous avons ainsi parmi
nous une femme nouvelle. La Mère a choisi Latie pour la rendre prête à devenir
femme, ce qui nous en fera bientôt une autre.
Ayla fut surprise d’entendre citer son nom.
— Nous avons aussi un nouveau petit enfant, auquel nous
devons donner un nom et sa place parmi nous, et une nouvelle Union va être
annoncée.
Jondalar ferma les yeux, avala convulsivement sa salive. Tulie
poursuivit :
— Nous sommes parvenus à la fin de l’hiver sans accidents
et en bonne santé. Il est temps pour le cycle de recommencer.
Quand Jondalar rouvrit les yeux, Talut s’était avancé et tenait
le Bâton Qui Parle. Il vit Nezzie faire signe à Latie. La jeune fille se leva,
adressa un petit sourire nerveux aux deux jeunes femmes qui l’avaient si bien
soutenue, avant de s’approcher du géant à la chevelure flamboyante qui était l’homme
de son foyer. Talut lui sourit, pour l’encourager, avec une affection profonde.
Elle vit Wymez, à côté de Nezzie. Son sourire, s’il était moins communicatif,
exprimait autant de fierté et de tendresse pour la fille de sa sœur, sa propre
héritière, qui serait bientôt une femme.
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