Les chasseurs de mammouths
comptait au nombre des Mamutoï. Mamut versait sur le bras blessé la
solution piquante. Du coup, la toute petite, qui n’avait jamais connu la
souffrance, exprima son déplaisir avec plus de violence encore. Ses
piaillements insistants amenèrent un sourire sur les lèvres d’Ayla. En dépit de
sa naissance prématurée, Bectie avait pris de la vigueur. Elle avait assez de
force pour crier. Fralie leva sa petite fille pour la montrer à toute l’assistance.
Elle la reprit ensuite dans ses bras, entama, d’une voix haute et douce, un
chant de joie et de réconfort qui apaisa l’enfant. Lorsqu’elle se tut, Fralie
alla reprendre sa place auprès de Frébec et de Crozie. Un moment après, Bectie
se remit à pleurer, mais ses cris cessèrent avec une soudaineté qui montra qu’on
lui avait offert le meilleur des réconforts.
Deegie poussa Ayla du coude. Le moment était venu, comprit
celle-ci : c’était son tour. On lui faisait signe d’avancer. L’espace d’un
instant, elle se trouva incapable de bouger. Il lui prit ensuite l’envie de se
sauver, mais elle n’avait nulle part où aller. Elle ne voulait pas faire cette
Promesse à Ranec. C’était Jondalar qu’elle voulait. Elle avait envie de le
supplier de ne pas partir sans elle. Mais, en levant les yeux, elle vit le
visage ardent, heureux, souriant de Ranec. Elle reprit longuement son souffle,
se leva. Jondalar ne voulait plus d’elle, et elle avait dit à Ranec qu’elle
ferait cette Promesse. A regret, Ayla s’avança vers les deux chefs du Camp.
L’homme à la peau sombre la regarda venir dans sa direction,
sortir de l’ombre pour entrer dans la lumière du feu, et sa gorge se noua. Elle
portait la tenue de cuir pâle qui lui avait offerte Deegie, et qui lui allait
si bien, mais sa chevelure n’était pas coiffée en nattes ni en chignon, elle n’avait
pas, à la manière des femmes mamutoï, incorporé des perles ou d’autres
ornements. Par déférence pour la cérémonie de la racine du Clan, elle avait
laissé ses cheveux retomber librement sur ses épaules. Les épaisses vagues
brillantes luisaient à la lumière du feu et encadraient d’un halo d’or son
merveilleux visage délicatement modelé. A cet instant, Ranec se sentit
convaincu d’avoir devant lui une incarnation de la Mère, née du corps du
parfait Esprit de la Femme. Il la désirait tellement comme compagne que ce
désir en devenait presque douloureux. Il avait peine à croire que cette nuit se
déroulât dans la réalité.
Ranec n’était pas le seul à être ébloui par sa beauté. Lorsqu’elle
entra dans le cercle de lumière, le Camp tout entier fut saisi de surprise. La
tenue mamutoï, d’une élégante richesse, et la magnifique beauté naturelle de sa
chevelure s’associaient en une bouleversante combinaison, encore rehaussée par
cet éclairage dramatique. Talut pensait à la valeur supplémentaire qu’elle
apporterait au Camp. Tulie était décidée à fixer très haut le Prix de la Femme,
même si elle devait en verser elle-même la moitié, à cause du prestige dont ils
bénéficieraient tous. Mamut, déjà convaincu qu’elle était destinée à Servir la
Mère dans un rôle très important, remarqua son instinct pour choisir le bon
moment, pour produire un effet dramatique. Un jour, il le comprit, elle
représenterait une force avec laquelle il faudrait compter.
Mais personne ne perçut le choc comme le fit Jondalar. Sa beauté
l’éblouissait tout autant que Ranec. Mais la mère de Jondalar avait commandé,
et, après elle, son frère. Dalanar avait fondé et dirigé un autre groupe, et
Zolena avait atteint le plus haut rang de la Zélandonia. Jondalar avait grandi
parmi les chefs naturels de son propre peuple et son intuition lui disait les
qualités que les deux chefs et le chaman du Camp du Lion avaient remarquées
chez Ayla. Comme si quelqu’un lui avait lancé un coup de pied dans l’estomac et
lui avait coupé le souffle, il comprit tout à coup ce qu’il avait perdu.
Dès qu’Ayla se trouva aux côtés de Ranec, Tulie commença :
— Ranec des Mamutoï, fils du Foyer du Renard dans le Camp
du Lion, tu as demandé à Ayla des Mamutoï, fille du Foyer du Mammouth dans le
Camp du Lion, de se joindre à toi pour former une Union et créer un foyer.
Est-ce vrai, Ranec ?
— Oui, c’est vrai, répondit-il.
Il se tourna vers Ayla, avec un sourire de joie absolue. Talut s’adressa
alors à Ayla :
— Ayla des Mamutoï, fille du
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