Les chasseurs de mammouths
Pour tous, le moment était important.
— Je suis très fier d’annoncer que Latie, première fille du
Foyer du Lion, a été rendue prête à devenir une femme, déclara Talut, et de
proclamer qu’elle fera partie de la Célébration de la Féminité, à la Réunion de
cet été.
Mamut s’avança vers elle, lui tendit un objet.
— Voici ta muta, Latie, dit-il. Avec l’esprit de la Mère
qui l’habite, tu pourras un jour créer toi-même un foyer. Conserve-la dans un
endroit sûr.
Latie reçut l’objet sculpté dans l’ivoire et regagna sa place,
où elle prit plaisir à faire voir sa muta à ceux qui l’entouraient. Ayla, très
intéressée, savait que la muta avait été faite par Ranec, puisqu’elle en avait
une semblable, et, au souvenir des mots qui venaient d’être prononcés, elle
commençait à comprendre pourquoi il la lui avait offerte. Il lui fallait une
muta pour fonder un foyer avec lui.
— Ranec doit travailler sur une idée nouvelle, remarqua
Deegie, en examinant la figurine mi-femme, mi-oiseau. Je n’en avais jamais vu
de semblable. Elle sort de l’ordinaire. Je ne suis pas sûre d’en comprendre la
signification. La mienne ressemble davantage à une femme.
— Il m’en a offert une comme celle de Latie, dit Ayla. J’ai
pensé qu’elle était à la fois une femme et un oiseau, selon l’angle sous lequel
on la regarde.
Ayla prit entre ses mains la muta de Latie, la tourna d’un côté
et de l’autre.
— Ranec m’a dit qu’il voulait représenter la Mère sous Sa
forme spirituelle.
— Oui, je m’en rends compte, maintenant que tu me l’as
montrée, reconnut Deegie.
Elle rendit la petite figurine à Latie qui la nicha
précautionneusement au creux de ses mains.
— Elle me plaît, déclara la jeune fille. Ce n’est pas celle
de tout le monde, et elle possède une signification particulière.
Elle était heureuse que Ranec lui eût offert une muta unique en
son genre. Même s’il n’avait jamais vécu au Foyer du Lion, Ranec était son
frère, lui aussi, mais beaucoup plus âgé que Danug, et elle le considérait
plutôt comme un oncle que comme un frère. Elle ne le comprenait pas toujours,
mais elle l’admirait et elle savait que tous les Mamutoï le tenaient en grande
estime pour son talent de sculpteur. N’importe quelle muta de sa main lui
aurait fait plaisir, mais elle était heureuse qu’il lui en eût donné une
semblable à celle d’Ayla. S’il l’avait offerte à la jeune femme, c’est qu’il la
considérait comme ce qu’il avait fait de meilleur.
La cérémonie qui allait donner un nom à l’enfant de Fralie avait
déjà commencé. Les trois jeunes femmes reportèrent leur attention sur son
déroulement. Ayla reconnut la plaque d’ivoire gravée de signes que Talut
élevait très haut. Elle connut un moment d’inquiétude, au souvenir de son
adoption. Mais la cérémonie était manifestement très courante. Mamut devait
savoir que faire. Ayla regarda Fralie présenter son bébé au chaman et au chef
du Camp du Lion et se remémora soudain une autre cérémonie du même genre. Cette
fois aussi, le printemps avait commencé, mais c’était elle, alors, qui était la
mère, et, s’attendant au pire, elle avait présenté son enfant avec crainte.
Elle entendit Mamut demander :
— Quel nom as-tu choisi pour cet enfant ? Et Fralie
répondit :
— Elle doit être appelée Bectie.
Mais, dans l’esprit d’Ayla, la voix de Creb disait : Durc.
Le nom du garçon est Durc.
Des larmes lui montèrent aux yeux : elle retrouvait sa
gratitude, quand Brun avait accepté son fils, quand Creb lui avait donné un nom.
Elle releva la tête, vit Rydag. Assis parmi d’autres enfants, Loup sur ses
genoux, il la regardait avec ces grands yeux bruns, emplis d’une antique
sagesse, qui lui rappelaient tant ceux de Durc. Elle éprouva un désir soudain,
violent de revoir son fils, mais au même instant, une pensée la frappa. Durc
était d’esprits mêlés, comme Rydag, mais il était né au sein du Clan, il avait
été accepté par le Clan, élevé par le Clan. Son fils faisait partie du Clan, et
elle-même était morte, pour le Clan. Elle frissonna, tenta de chasser cette
idée.
Le cri de surprise et de douleur d’un tout petit enfant ramena l’attention
d’Ayla sur la cérémonie. La pointe d’un couteau avait entaillé le bras du bébé,
et l’on avait gravé une marque sur la plaque d’ivoire. Bectie portait son nom,
elle
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