Les chasseurs de mammouths
sortes de brancards,
furent sortis d’une habitation et présentés à chaque assistant pour un dernier
adieu. Les enfants avaient été revêtus de leurs plus beaux atours, élégamment
décorés, comme s’ils étaient habillés en vue d’une importante cérémonie. Ayla
ne put s’empêcher d’être impressionnée et intriguée. Des morceaux de fourrure
et de cuir, à l’état naturel ou teints de couleurs variées, avaient été
soigneusement assemblés en motifs géométriques compliqués, pour faire des
tuniques et de longues jambières, rehaussées par des morceaux unis entièrement
recouverts de milliers de petites perles d’ivoire. Une pensée fugitive se
présenta à Ayla. Tout ce travail avait-il été effectué à l’aide seulement d’un
poinçon aigu ? La mince tige d’ivoire percée d’un trou à une extrémité
aurait pu rendre service.
Elle remarqua aussi les bandeaux et les ceintures et, sur les
épaules de la petite fille, une cape ornée de dessins extraordinaires :
ils avaient été, semblait-il, réalisés à partir des fibres moelleuses laissées
sur leur passage par les animaux à toison laineuse. Elle aurait aimé palper ces
dessins, les examiner de plus près, mais une telle manifestation de curiosité
eût été inconvenante. Ranec, près d’elle, remarqua ce travail exceptionnel, fit
quelques commentaires sur la complexité des motifs en spirales. Ayla espérait
bien en apprendre davantage, avant le départ, peut-être en échange d’une de ses
pointes percées d’un trou.
Les deux enfants portaient aussi des bijoux faits de
coquillages, de crocs d’animaux, d’os. Le garçon avait même une curieuse pierre
de grosse taille qui avait été percée pour former un pendentif. Au contraire
des adultes, dont les chevelures étaient en désordre et couvertes de cendres,
les enfants étaient soigneusement coiffés : les cheveux du garçon étaient
tressés en nattes, ceux de la fille ramassés en chignon de chaque côté de la
tête.
Ayla ne parvenait pas à chasser l’impression qu’ils étaient
simplement endormis, qu’ils allaient se réveiller d’un instant à l’autre. Ils
paraissaient trop jeunes, trop sains, avec leurs visages aux joues rondes,
vierges de toute ride, pour être partis, pour être passés dans le royaume des
esprits. Secouée d’un frisson, elle porta involontairement les yeux vers Rydag.
Elle croisa le regard de Nezzie, se détourna.
Finalement, on apporta les corps des enfants près de la longue
et étroite tranchée. On les y descendit, en les plaçant tête contre tête. Une
femme, vêtue d’une longue tunique, la tête couverte d’une coiffure
particulière, se leva pour entamer une mélopée plaintive, aiguë, qui fit frissonner
tous les assistants. A son cou pendaient des colliers et des pendentifs
nombreux qui s’entrechoquaient et cliquetaient à chacun de ses mouvements, et,
aux bras, des bracelets d’ivoire, larges d’un centimètre. Ils ressemblaient, se
dit Ayla, à ceux que portaient certains Mamutoï.
Un battement de tambour, grave, retentissant, se fit
entendre : c’était le son familier d’un tambour fait d’un crâne de
mammouth. La femme qui chantait de sa voix aiguë commença de se balancer, de se
tordre. Elle se dressait sur la pointe des orteils, levait un pied puis l’autre,
se tournait dans différentes directions, tout en demeurant à la même place.
Elle agitait les bras en cadence, avec une grande énergie, et ses bracelets se
heurtaient avec bruit. Ayla avait rencontré cette femme. Elles n’avaient pas pu
converser, mais Ayla se sentait attirée vers elle. Ce n’était pas, comme elle,
lui avait expliqué Mamut, une guérisseuse, mais une femme capable d’entrer en
communication avec le monde des esprits. Elle correspondait, pour les Sungaea,
à Mamut... ou à Creb, se dit Ayla, non sans stupeur. Il lui était encore
difficile d’imaginer une femme mog-ur.
L’homme et la femme au visage teinté de rouge dispersèrent sur
les enfants de la poudre d’ocre, qui rappela à Ayla l’onguent à l’ocre rouge
dont Creb avait peint le corps d’Iza. On plaça encore dans la tombe plusieurs
autres objets : des segments de défenses de mammouth, qu’on avait
redressés, des javelots, des couteaux et des poignards en silex, les figurines
d’un mammouth, d’un bison, d’un cheval – moins habilement sculptées
que celles de Ranec, pensa Ayla. Elle fut surprise de voir poser au côté de
chaque enfant un
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