Les chasseurs de mammouths
d’une
centaine de mâchoires en forme de V, empilées, la pointe en bas, sur quatre
rangées d’épaisseur.
L’effet d’ensemble de ces piles de V, placées côte à côte, était
peut-être le concept le plus significatif de la construction. Elles créaient un
motif en zigzag, semblable au dessin utilisé sur les cartes pour représenter l’eau.
Mieux encore, Ayla l’avait appris de Mamut, ce dessin en zigzag représentait
aussi le symbole le plus profond de la Grande Mère, Créatrice de toute vie. Il
évoquait le triangle, pointe en bas, de son sexe, l’expression extérieure de sa
matrice. Ainsi multiplié de nombreuses fois, le symbole représentait toute vie,
non seulement l’eau, mais aussi le liquide amniotique de la Mère, qui avait
inondé la terre et rempli les mers et les rivières lorsqu’Elle avait donné
naissance à toute vie. Aucun doute : cet édifice abriterait le Foyer du
Mammouth.
Le mur extérieur n’était pas achevé, mais on travaillait déjà au
reste de la hutte : on insérait des os du bassin et des vertèbres, en les
assemblant étroitement, selon un motif symétriquement et rythmiquement répété.
A l’intérieur, une charpente de bois consolidait la structure, et, apparemment,
le toit serait fait de défenses de mammouth.
— Voilà l’ouvrage d’un véritable artiste ! dit Ranec,
qui s’était approché pour mieux admirer le travail.
Ayla avait prévu son approbation. A quelque distance, elle vit
Jondalar, qui tenait la longe de Rapide. Lui aussi appréciait et admirait l’artiste
inspiré qui avait conçu cette architecture. Pour tout dire, le Camp du Lion
tout entier avait perdu l’usage de la parole. Mais, comme l’avait pensé Tulie,
le Camp du Mammouth n’était pas moins stupéfait devant ses visiteurs – ou
plutôt par les animaux apprivoisés qui voyageaient avec eux.
Après un moment de stupeur réciproque, un homme et une femme, l’un
et l’autre un peu plus jeunes que les chefs du Camp du Lion, s’avancèrent pour
accueillir Tulie et Talut. L’homme avait été occupé à traîner sur la pente de
pesants ossements de mammouth : il était nu jusqu’à la taille, luisant de
sueur. Son visage était couvert de tatouages, et Ayla dut se reprendre en main
pour ne pas le dévisager avec trop d’insistance. Comme Mamut du Camp du Lion,
il portait un motif en chevrons sur la joue gauche, mais il avait aussi un
arrangement symétrique de zigzags, de triangles, de losanges et de spirales en
deux couleurs, bleu et rouge.
Visiblement, la femme, elle aussi, avait participé au travail
commun elle avait le torse nu mais, au lieu de jambières, elle portait une jupe
sans couture qui descendait juste au-dessous des genoux. Elle n’avait pas de
tatouages, mais l’aile de son nez avait été percée, et un ornement fait d’un
petit morceau d’ambre poli et sculpté était inséré dans le trou.
— Tulie, Talut, quelle surprise ! Nous ne vous
attendions pas, mais, au nom de la Mère, vous êtes les bienvenus au Camp du
Mammouth, dit la femme.
— Au nom de Mut, nous te remercions de ton accueil, Avarie,
répondit Tulie. Nous n’avions pas l’intention d’arriver à un moment inopportun.
— Nous étions tout près, Vincavec, ajouta Talut, et nous ne
pouvions passer sans nous arrêter.
— Le moment n’est jamais inopportun pour une visite du Camp
du Lion, déclara l’homme. Mais d’où vient que vous vous soyez trouvés dans les
parages ? Ce n’est pas votre route pour aller au Camp du Loup.
— Le courrier qui est venu nous dire que le lieu de la
Réunion avait changé était passé par un Camp sungaea. Il nous a dit qu’ils
avaient la maladie. Nous avons parmi nous un nouveau membre, une Femme Qui
Guérit, Ayla du Foyer du Mammouth, expliqua Talut.
Il fit signe à la jeune femme d’approcher.
— Elle tenait à voir si elle pouvait les aider. Nous en
arrivons à présent.
— Oui, je connais ce Camp sungaea, dit Vincavec.
Il se tourna vers Ayla. L’espace d’un instant, elle sentit son
regard peser sur elle. Elle eut une brève hésitation : elle n’était pas
encore tout à fait accoutumée à soutenir le regard direct d’un inconnu. Mais
elle sentit que ce n’était pas le moment de manifester la timidité, la pudeur d’une
femme du Clan et elle rendit à Vincavec son regard intense. Il se mit
brusquement à rire. Ses yeux gris pâle eurent une lueur d’approbation, et il
parut apprécier sa féminité. Elle
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