Les chasseurs de mammouths
mettre à la place de ces gens. Elle était présente quand
Ayla avait mené au Camp du Lion le minuscule louveteau et elle l’avait vu
grandir, mais, en le regardant avec des yeux étrangers, elle comprenait que personne
ne pourrait le considérer comme un jeune animal joueur. Son apparence était
celle d’un loup en pleine force, et le cheval était une jument adulte. Si Ayla
était capable de plier à sa volonté des chevaux fougueux, de maîtriser l’esprit
de loups indépendants, quelles autres forces ne pouvait-elle dominer ?
Surtout quand on l’annonçait comme la fille du Foyer du Mammouth et comme une
Femme Qui Guérit.
Tulie se demandait comment ils seraient reçus à la Réunion d’Été
mais elle ne fut pas surprise le moins du monde quand Ayla fut invitée à
examiner les membres du Camp qui étaient malades. Les Mamutoï s’installèrent
pour attendre. Ayla, à son retour, rejoignit Mamut, Talut et Tulie.
— Je crois qu’ils sont atteints de ce que Nezzie appelle le
mal du printemps : fièvre, oppression de la poitrine, respiration
difficile. Mais le mal les a saisis tard dans la saison et avec une grande
violence, expliqua-t-elle. Deux personnes âgées étaient mortes plus tôt, mais c’est
toujours très triste quand des enfants meurent. Je ne comprends pas bien leur
cas. Les jeunes ont généralement assez de force pour résister à cette sorte de
maladie. Tous les autres, semble-t-il, ont franchi la période la plus
dangereuse. Certains toussent encore beaucoup, et je vais pouvoir les soulager
un peu, mais plus personne, apparemment, n’est gravement malade. J’aimerais
préparer un breuvage pour venir en aide à la mère. Elle est très atteinte. Sans
en être tout à fait sûre, je ne pense pas que nous courons un danger en
attendant la sépulture. Mais, à mon avis, nous ne devrions pas séjourner dans
leurs habitations.
— J’étais prête à proposer de dresser les tentes, si nous
décidions de rester, déclara Tulie. Le moment est trop difficile pour eux pour,
au surplus, les encombrer d’étrangers. Et ce ne sont pas même des Mamutoï. Les
Sungaea sont... différents.
Ayla fut réveillée, le lendemain matin, par un bruit de
voix, pas bien loin de la tente. Elle se leva vivement, s’habilla, regarda
au-dehors. Plusieurs personnes creusaient une tranchée longue et étroite.
Tronie et Fralie, assises auprès d’un feu, donnaient le sein à leurs petits.
Ayla leur sourit, alla les rejoindre. L’odeur d’une infusion de sauge montait d’une
corbeille à cuire. Elle en remplit une coupe, s’assit après des deux femmes
pour savourer le breuvage brûlant.
— Vont-ils les ensevelir aujourd’hui ? demanda Fralie.
— Oui, je pense. A mon avis, Talut n’a pas voulu leur poser
directement la question, mais j’ai eu cette impression. Je ne comprends pas
leur langage, même si j’en saisis un mot de temps en temps.
— Ils doivent être en train de creuser la tombe. Je me
demande pourquoi ils la font si longue, dit Tronie.
— Je n’en sais rien mais je suis contente que nous partions
bientôt. Nous avons eu raison de rester, je le sais bien, mais je n’aime pas
les ensevelissements, déclara Fralie.
— Personne n’aime ça, dit Ayla. Si seulement nous étions
arrivés quelques jours plus tôt.
— Même ainsi, tu ne peux pas savoir si tu aurais été
capable de faire quelque chose pour ces deux enfants, remarqua Fralie.
— J’ai tellement pitié de la mère, commenta Tronie. Perdre
un enfant est déjà cruel, mais deux à la fois... Je ne sais pas si je pourrais
le supporter.
Elle serrait Hartal contre son sein, mais le petit se mit à
gigoter pour se dégager.
— Oui, il est bien cruel de perdre un enfant, dit Ayla.
Il y avait dans sa voix un tel désespoir que Fralie leva vers
elle un regard interrogateur.
Ayla posa sa coupe, se leva.
— J’ai vu qu’il poussait de l’armoise, tout près d’ici. La
racine donne un remède très puissant. Je ne m’en sers pas souvent mais je veux
préparer quelque chose qui calme et détende la mère, elle en a bien besoin.
Durant la journée, le Camp du Lion observa ou participa d’un peu
loin aux différentes activités et cérémonies. Mais, vers le soir, l’atmosphère
changea, se chargea d’une intensité qui gagna jusqu’aux visiteurs. Les émotions
poussées à leur paroxysme arrachèrent aux Mamutoï des cris de tristesse et de
douleur sincères quand les deux enfants, allongés sur des
Weitere Kostenlose Bücher