Les chasseurs de mammouths
au fond d’elle-même,
elle aurait presque préféré qu’Ayla n’ait pas donné sa Promesse à Ranec. Si
elle avait été libre de tout engagement, le Prix de la Femme aurait alors été
stupéfiant. D’un autre côté, elle aurait été alors perdue pour le Camp du Lion.
Mieux valait conserver le trésor plutôt que le perdre à tout jamais, même en
échange d’un bon prix. Tant que la valeur d’Ayla ne serait pas fixée d’une
manière définitive, la spéculation pouvait encore faire monter le Prix. En
plus, les offres d’adoption faites à Tulie ouvraient toute une gamme de
possibilités. Il pouvait très bien s’agir d’une adoption de pure forme qui ne l’obligerait
nullement à quitter le Camp du Lion. Si son frère éventuel avait de bons appuis
et de l’ambition, elle pourrait même devenir Femme Qui Ordonne. Et si Ayla et
Deegie étaient toutes les deux des Femmes Qui Ordonnent, comme elles avaient
des liens de parenté directs avec le Camp du Lion, cela accroîtrait
considérablement l’influence de ce dernier... Voilà à quoi pensait Tulie tout
en se dirigeant vers la délégation qui venait d’arriver.
Ayla savait maintenant que les différences dans les motifs qui
ornaient les vêtements et les bottes permettaient de déterminer à quel groupe
de Mamutoï on appartenait. Bien qu’on utilisât toujours les mêmes motifs
géométriques de base, la prépondérance d’un de ces motifs – celle des
chevrons sur les losanges, par exemple – et la manière dont ils
étaient agencés, permettaient de déterminer sans erreur possible l’appartenance
à un Camp et les liens de parenté qui existaient entre celui-ci et d’autres
Camps. Malgré tout, contrairement à Tulie, Ayla n’était pas capable de deviner
au premier coup d’œil, à partir de ces motifs et des relations personnelles des
visiteurs, quelle était leur place exacte dans l’ensemble de l’édifice
hiérarchique et leurs liens de parenté à l’intérieur du groupe.
Le statut de certains Camps était si élevé que Tulie aurait été
prête à se montrer moins exigeante sur les dons en nature en raison de la
valeur inestimable d’une telle alliance. Les propositions de certains Camps, au
statut moins élevé, méritaient réflexion, à condition que ceux-ci soient prêts
à payer le prix fort. Compte tenu des offres qui avaient déjà été faites, la
délégation qui venait de se présenter méritait à peine qu’on discute avec elle.
Une telle alliance ne présentait aucun intérêt. En conséquence, Tulie se montra
très aimable avec eux. Néanmoins, elle ne les invita pas à entrer et ils
comprirent qu’ils n’offraient pas assez et qu’ils arrivaient trop tard. Le fait
qu’ils se soient déplacés pour faire une offre présentait néanmoins certains
avantages. C’était une manière de s’allier au Camp du Lion, ce qui augmentait
du même coup l’influence de ce dernier : le Camp du Lion ne l’oublierait
pas.
Alors qu’ils étaient en train de plaisanter dehors, Frébec
entendit Loup grogner et il le vit soudain filer en direction de la rivière.
— Ayla ! cria-t-il. Loup a vu quelque chose.
Ayla siffla très fort, puis elle se précipita dans le sentier
qui menait à la rivière. Loup revenait, suivi par un groupe de visiteurs. Mais
ceux-là, il les connaissait.
— C’est le Camp du Mammouth, annonça Ayla. J’ai reconnu
Vincavec.
Tulie se tourna vers Frébec.
— Essaie de trouver Talut, lui dit-elle. Il faut que nous
les accueillions correctement. Et profites-en pour prévenir Marlie ou Valez qu’ils
sont enfin arrivés.
Frébec acquiesça et partit chercher Talut. La délégation qui
était venue faire une offre décida de rester pour assister à ce qui allait
suivre. Vincavec marchait en tête du Camp du Mammouth. En apercevant Tulie,
Ayla et la délégation, il comprit aussitôt ce qui se passait. Il se débarrassa
de son sac de voyage et s’avança vers eux en souriant.
— C’est de bon augure, Tulie, que tu sois la première
personne que je rencontre, car c’est justement toi que je désirais voir, dit-il
en prenant ses deux mains et en frottant sa joue contre la sienne, comme le
faisaient les amis de longue date.
— Pourquoi tenais-tu tant à me voir ? demanda Tulie en
souriant, incapable de résister au charme de Vincavec.
Il fit comme s’il n’avait pas entendu et demanda :
— Pourquoi tes invités sont-ils en grande tenue ?
Sont-ils par hasard venus en
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