Les chasseurs de mammouths
venait l’énorme jeune mâle qui avait bien failli s’échapper avant le
début de la longue poursuite. Il vit devant lui la clôture, vira vers l’eau...
et vers les chasseurs qui lui barraient le passage.
Ayla galopait sur les talons du petit troupeau, son propulseur à
la main. Elle l’ajusta à l’approche du dernier virage et vit alors le jeune
mâle virer de bord et foncer droit sur Jondalar. D’autres bisons le suivaient.
Talut courut dans sa direction en agitant sa tunique. Mais le
bison en avait assez de se voir assailli par des objets flottants. Il refusait
de se laisser détourner. Sans prendre le temps de réfléchir, Ayla se pencha en
avant, poussa Whinney à toute allure. Elle passa entre les autres bisons qui
galopaient, s’approcha du grand mâle et lança sa sagaie au moment précis où
Jondalar jetait la sienne. Au même instant, une troisième sagaie atteignit son
but.
La jument, dans le fracas de ses sabots, dépassa les chasseurs,
éclaboussa Talut en atteignant l’eau. Ayla ralentit sa course, l’immobilisa,
revint rapidement en arrière. Tout était déjà fini. L’énorme bison gisait sur
le sol. Ceux qui l’avaient suivi ralentirent. Ceux qui se trouvaient le plus
près de la pente n’avaient d’autre solution que d’entrer dans l’enclos. Les
premiers franchirent l’ouverture, les autres les imitèrent sans même avoir
besoin d’y être poussés. Tulie suivit le dernier retardataire, poussa la
barrière. Celle-ci à peine refermée, Tornec et Deegie poussèrent tout contre,
un bloc de pierre. Wymez et Frébec l’assujettirent solidement à des montants.
Tulie poussa un autre bloc de pierre contre le premier.
Ayla, encore bouleversée, se laissa glisser à terre. Jondalar,
avec Talut et Ranec, était à genoux près du bison.
— La sagaie de Jondalar est entrée par le cou et a transpercé
la gorge. A elle seule, elle aurait tué ce mâle, je pense, mais la tienne
aussi, Ayla. Je ne t’avais même pas vue arriver.
Talut ajouta, quelque peu impressionné par l’exploit :
— Ton arme s’est enfoncée profondément entre les côtes.
— Mais tu courais un grand danger, Ayla. Tu aurais pu être
blessée, intervint Jondalar.
Il avait l’air furieux, mais c’était la réaction à la peur
ressentie pour elle. Il se tourna vers Talut, désigna la troisième sagaie.
— A qui appartient-elle ? Elle était bien lancée, en
plein dans la poitrine. Celle-ci aussi l’aurait cloué sur place.
— C’est la sagaie de Ranec, dit Talut.
Jondalar se tourna vers l’homme à la peau sombre, et chacun prit
la mesure de l’autre. Ils étaient différents, et des rivalités pouvaient les
dresser l’un contre l’autre, mais c’étaient avant tout des êtres humains, des
hommes qui partageaient un monde primitif, magnifique mais dur, où la survie de
chacun, ils le savaient, dépendait de l’autre.
— Je dois te remercier, dit Jondalar. Si ma sagaie avait manqué
son but, c’est ma vie que je te devrais.
— A condition qu’Ayla ait manqué son but, elle aussi. Ce
bison a été tué trois fois. Il n’avait pas une chance en s’en prenant à toi. Tu
es destiné à rester en vie, semble-t-il. Tu as de la chance, ami. Tu as les
faveurs de la Mère. As-tu autant de chance en tout ? demanda Ranec.
Ses yeux fixés sur Ayla exprimaient de l’admiration, mais plus
encore.
A la différence de Talut, Ranec avait vu arriver la jeune femme.
Sans prendre garde aux longues cornes acérées, les cheveux au vent, les yeux
pleins de terreur et de fureur, elle ressemblait à un esprit vengeur ou à n’importe
quelle mère de n’importe quelle créature, qui avait dû un jour défendre son
enfant. Peu lui importait, aurait-on dit, de risquer d’être éventrée, tout
comme son cheval. On avait un peu l’impression de voir un Esprit de la Mère,
capable de maîtriser le bison aussi aisément que le cheval. Jamais Ranec n’avait
rencontré une femme comme elle. Elle était tout ce qu’il avait pu
désirer : belle, forte, intrépide, tendre, protectrice. Une femme, dans
toute l’acception du terme.
Jondalar vit l’admiration dans le regard de Ranec et sentit se
déchirer ses entrailles. Impossible à Ayla de ne pas y répondre. Il redoutait
de la perdre au profit de cet homme sombre, si attirant, et il ne savait que
faire pour empêcher ce malheur. Les dents serrées, le front contracté par la
colère et la frustration, il se détourna pour tenter de cacher ses
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