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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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jolis et les pires. Il était le seul à avoir osé braver la
fureur meurtrière de son maître après la mort du petit Gauzelin. Il lui avait
monté ses repas dans ses appartements sans un mot, sans une ombre de crainte
alors qu’Artus le menaçait des pires morts s’il récidivait. Il avait récidivé,
encore et encore. La seule fois où Artus avait demandé pardon à autre qu’à
Dieu, c’était à Ronan. Cette gifle mauvaise qu’il avait assénée à son plus
fidèle serviteur, qui l’avait fait tomber à terre. Ronan s’était relevé, la
marque des doigts d’Artus s’empourprant sur sa joue. Il avait fixé le comte, un
chagrin terrible dans le regard, en déclarant :
    — À demain, monseigneur. Que la nuit ne vous soit pas
ennemie.
    Le lendemain, Artus, encore plus défait, avait demandé
pardon, la tête baissée en allégeance. Ronan, les larmes aux yeux, s’était
approché, le prenant dans ses bras pour une unique fois depuis son
enfance :
    — Mon pauvre petit, mon pauvre petit. C’est chose si
injuste... Je t’en conjure, n’oublie pas dans cette effroyable épreuve ta bonté
et ta grandeur, parce que alors la mort aurait gagné sur tous les fronts.
    C’était sans doute à cause de cette gifle que la fureur
d’Artus s’était atténuée. Il avait repris le chemin de la vie.
    — Vite, éclaire-moi, qu’en as-tu fait ? répéta
Artus en fermant les yeux sous les coups de brosse de Ronan, qui menaçaient de
lui arracher la peau du crâne.
    — Je lui ai donné à manger, une couverture et une
paillasse dans les communs en attendant votre avis. Un des valets s’est occupé
de son cheval. Le garçon détient une lettre dont il m’a montré le rouleau tout
en refusant de me la confier. Elle vous est destinée, à vous seulement.
L’histoire qu’il m’a contée semblait véritable. J’espère n’avoir pas fait
preuve de naïveté à son endroit.
    — Non pas, non pas. Tu as très bien agi. Doucement,
doucement... Il s’agit de cheveux, pas d’une crinière de trait.
    — On pourrait s’y méprendre, monseigneur.
    — Alors, et ce Clément ? Quelle histoire ?
    — Sa dame lui a ordonné de rejoindre vos terres. (Ronan
eut un soupir et poursuivit :) Il est effrayé, j’ai cru comprendre qu’il
ne voulait pas la quitter mais qu’elle le lui avait ordonné. Il vous attend.
    — Est-ce bientôt fini avec cette brosse ? Ça y est,
je suis propre comme un sou d’or neuf !
    — En parlant de sous neufs...
    Ronan s’interrompit. Une curieuse émotion tendait sa voix
lorsqu’il reprit :
    — Il m’a demandé combien lui coûterait le repas que je
lui ai offert hier à la nuit. Il m’a expliqué qu’il avait sept sous d’or, toute
la fortune de sa dame, qu’elle lui avait offerte à son départ. Il ne voulait
pas les dilapider quand elle avait eu tant de mal à les gagner. Aussi
préférait-il se contenter d’un peu de pain et de soupe. J’ai eu grand mal à lui
faire admettre que je ne tenais pas auberge et qu’il s’agissait de votre
hospitalité.
    Prenant prétexte de la piqûre du savon, Artus ferma les
yeux. Son cœur se retournait quand il l’avait cru mort à jamais. La précieuse
douleur qui éclatait dans la poitrine était fulgurante. L’amour avait tant
déserté sa vie qu’il avait l’impression de le redécouvrir. L’amour immense de
Clément pour sa dame, celui de sa dame pour ce garçon valeureux, le sien pour
Agnès. Sept sous d’or. Toute sa minuscule fortune. À peine le prix d’un joli
manteau ourlé de vair.
    — Oui, oui... J’ai fini, prévint Ronan. Et oui encore,
le garçon est reposé, rassasié et vous attend, monseigneur.
    Artus sortit du bain, se laissa sécher en piétinant
d’impatience.
    Artus faisait les cent pas, les mains croisées dans le dos,
le buste incliné. Le grand regard pers ne le quittait pas, accompagnant ses
moindres gestes. Clément lui avait tout expliqué en peu de mots. L’Inquisition,
les prétendues révélations de Mabile, la venue de ce dominicain, le temps de grâce
qui filait comme les grains d’un sablier. Il lui avait dit, des sanglots dans
la voix, la peur de madame Agnès qu’il soit arrêté, torturé. Il lui avait
relaté le serment qu’elle l’avait contraint à prêter sur son âme : partir
et ne pas reparaître. Fuir, la laisser affronter seule l’Inquisition. Et puis,
il avait dû s’arrêter parce que les larmes noyaient ses paroles et qu’il avait
si peur pour elle.
    Le

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