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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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présentés en l’abbaye. Pensez-vous qu’ils aient rencontré leur
meurtrier avant de parvenir jusqu’à moi ? Cette inquiétude me taraude. Car
alors que sont devenues les missives de Benoît qu’ils me portaient ?
Sont-elles tombées aux mains de nos ennemis ? Existerait-il un lien entre
leur contenu et l’empoisonnement récent du pape ? Quel était ce
contenu ? Nous n’avons maintenant nul moyen de l’apprendre puisque le doux
saint-père est mort sous leurs coups. Tant de questions tournent dans mon
esprit, jour et nuit, sans qu’aucune explication ne me vienne.
    Le jour teintait timidement l’obscurité lorsqu’elle le
conduisit dans la bibliothèque secrète. Tous deux avaient approuvé cette
cachette qui le dissimulerait aux regards de l’inquisiteur et des moniales, et
lui permettrait de consulter les manuscrits rares qu’il avait achetés à ce
voleur de Gachelin Humeau.
    Éleusie de Beaufort profita du calme de l’avant-aube pour
foncer en cuisines et en rapporter de quoi sustenter son neveu.
    Elle s’endormit ensuite pour une courte heure d’un sommeil
préservé de cauchemars, et se réveilla juste avant laudes. L’apaisement qu’elle
ressentait l’émerveilla comme un signe. La mort pouvait venir, elle avait
accompli sa tâche. Francesco était revenu.
    Ce qui devait être serait.
    Le jour déclinait lorsque Leone se réveilla. Il s’étira en
grimaçant, endolori par la dureté des dalles, à peine atténuée par les deux
tapis qu’il avait superposés pour les transformer en couche.
    Il s’étonna de la présence d’une jarre d’eau et d’une
cuvette de bois. Sa tante avait pensé à sa toilette avant de vaquer à ses
multiples occupations.
    Leone le repéra tout de suite au creux des étagères lourdes d’ouvrages :
le grand carnet du chevalier Eustache de Rioux. Eustache, son parrain de
l’ordre qui avait guidé ses premiers pas de chevalier, Eustache, l’un des sept
hospitaliers survivants du siège d’Acre.
    Une série de coïncidences comme il n’en existe qu’au cours
des événements les plus terribles avait permis au chevalier de Rioux de
recevoir les révélations qu’il avait consignées dans ces pages. Lors de
l’assaut titanesque qui devait saper les bases du donjon du Temple, Eustache
 – déjà blessé deux fois  – avait pressenti qu’ils étaient tous
perdus, et que le carnage commencerait sous peu. Mourir au combat lui importait
peu, si c’était pour défendre les « agneaux », ainsi qu’il les
nommait, et sa foi. Mourir ne signifiait rien puisqu’il avait déjà offert sa
vie en rejoignant l’ordre de l’Hôpital. Que des soldats ennemis, qu’ils fussent
ou non moines, s’entre-tuent, faisait selon lui partie du cycle de ce monde.
Pas toutes ces femmes, pas tous ces enfants... S’il parvenait à en sauver ne
serait-ce qu’une poignée, sa vie n’aurait pas été vaine, et il l’offrait en
échange de la leur. Accompagné de deux chevaliers de l’ordre du Temple, il
avait tenté une ultime sortie, poussant un troupeau humain affolé dans les
souterrains qui débouchaient non loin de la plage, non loin des navires francs
qui mouillaient au large tant la mer avait été mauvaise, interdisant leur
approche. Le donjon du Temple  – véritable bastion à cinq tours que l’on
espérait inexpugnable puisqu’il avait résisté plus longtemps que la Neuve Tour
de madame de Blois  – s’était effondré à ce moment-là, les éboulis de
pierres hautes comme un homme bouchant toute issue. Eustache de Rioux avait
tenté de calmer la vingtaine de femmes et la trentaine de jeunes enfants qui
l’avaient suivi. En vain. Ses admonestations, ses prières, étaient noyées sous
les cris des petits accrochés aux robes de leurs mères, les larmes des femmes,
et parfois leurs crises de nerfs. Il existe, dans toutes les foules humaines,
un ou une fort en gueule dont l’incompétence et la stupidité n’ont d’égal que
l’aplomb. Ce sont eux qui poussent la harde et la font s’écraser en bas de la
falaise. Ce fut le cas. Toute sa vie, Eustache de Rioux devait revoir cette
grande haridelle péremptoire dont il n’avait jamais connu le nom. Elle avait exhorté
les femmes à se rendre, se faisant fort, affirmait-elle, de convaincre les
fantassins infidèles de leur laisser la vie sauve. Il avait hurlé, manquant la
frapper. Elles l’avaient toutes suivie, remorquant derrière elles leurs
enfants. Eustache, fou de rage contre cette

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